Genealogy
The Corporation has a niche. The President is a DIGNARD
(GUIGNARD) and has personally researched the family issue.
Généalogie
L'entreprise a son créneau. Le président est un Dignard
(Guignard) et il est bien documenté.
INFORMATION SUR DES GUIGNARD DE FRANCE

C'est en 1999 que
prirent fin les grands travaux de rénovation du château.
Il faut noter que les résidences principales des Guignard de
Saint-Priest furent à Lyon et à Montpellier.
En 1793, le château comptait soixante pièces.
Il servit de prison pour officiers allemands au cours de la Deuxième
Guerre mondiale.

L'escalier d'honneur fut construit par les Guignard vers 1660.

Ci-dessus se trouve l'une des entrées ;
c'est maintenant une pièce
supplémentaire, car l'espace est sous verrière.
Autres photos du château de
Saint-Priest
Exposé rédigé
pour le 17 février 2002
et partiellement présenté au château
de Saint-Priest
par
Gilles Dignard
(Nota : les droits de l'exposé sont cédés au Cercle Iulius
Victor, de Saint-Priest)
Objet : François-Emmanuel Guignard,
chevalier, comte de Saint-Priest (1735-1821)
Mesdames, Messieurs,
Je tiens d’abord à
dire que je suis très touché par les résultats des efforts déployés par les
autorités de Saint-Priest, le Cercle Iulius Victor et tous ceux qui les ont aidés à
conserver et à rénover le château de Saint-Priest, ce bien du patrimoine. Avec une
approche hardie, vous avez fait cohabiter les valeurs du passé et du présent, mettant le
tout au service de l’avenir. Je sais particulièrement gré à Lucien Charbonnier
d’avoir eu l’idée de m’inviter à Saint-Priest à l’occasion de ce
week-end scientifique et culturel. J’avais bien eu l’intention de visiter un
jour Saint-Priest, mais sans avoir imaginé le faire dans des circonstances aussi
agréables : je me trouve à l’endroit même où séjournèrent plusieurs
générations de Guignard à compter de 1645 (la vente aux enchères du château remonte
à 1842), et ce, à quelques jours du 12 mars, date de naissance de ce
François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest, dont je vous parlerai
aujourd’hui. Pour des raisons mystérieuses, le destin semble le signaler à mon
attention puisque, comme lui, je suis né un 12 mars.
J’écoutais
récemment l’enregistrement en langue anglaise de l’ouvrage de Henri Troyat sur
Catherine II de Russie.
Un passage m’a frappé. Vous n’ignorez sans doute pas que Catherine II avait son
côté mante religieuse (M. de Saint-Priest dit bien qu’elle avait « le faible
de ne pouvoir se passer d’amant »). Elle venait de
mettre un terme à ses relations avec Orlov et de découvrir, comment dire, les charmes
discrets de Potemkine. Voilà que les deux hommes se rencontrent dans un escalier à
l’entrée du palais : Orlov en part et Potemkine y arrive. Potemkine prend la
parole et demande à Orlov ce qui se raconte à la Cour ; Orlov lui répond alors à peu
près ceci : rien si ce n’est que
je descends et vous montez.
Puisque nous traitons
ici d’histoire et de généalogie, il nous est impossible de ne pas remarquer que ce
qui vaut pour les relations entre les personnes vaut également pour les familles, les
pays, les empires, de même que pour les systèmes économiques, religieux, philosophiques
: combien de fois avons-nous pu constater qu’une période de faveur était suivie
d’une autre de défaveur !
En ce qui concerne la
France, tant d’histoires plus ou moins vraies ont été racontées, il y a eu tant de
propagande et de fiction que nous ne savons parfois plus à quoi nous en tenir. C’est
alors que nous nous réjouissons de pouvoir accéder aux témoignages de personnes ayant
été directement mêlées à certains faits, quitte à faire, au besoin, la part des
choses et de parvenir à une opinion mieux éclairée à l’aide d’autres
documents. Travaillant scientifiquement, nous n’avons pas à être pour ou contre les
faits ; notre devoir consiste à les respecter. Nous nous laissons ensuite porter, guider
par eux. Cela n’empêche toutefois pas quelqu’un d’éprouver de
l’émotion et de formuler des commentaires.
Ce sont les deux volumes
des Mémoires
de François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest, qui serviront de base au présent
exposé. Ceux qui sont déjà victimes d’une surdose d’information pourront donc
trouver dans le présent condensé les éléments essentiels de l’ouvrage de
Saint-Priest, ce qui leur permettra de reporter à plus tard la lecture des Mémoires.
Soit dit en passant, nous avons respecté l’orthographe de M. de Saint-Priest en
matière de noms propres.
Il importe de souligner
que le Comte dit de cet ouvrage qu’il est « l’amusement de sa vieillesse
». Il ajoute qu’il fut forcé de se fier partiellement à sa mémoire, ayant
malheureusement perdu de précieux documents qui furent brûlés lors de la Terreur,
notamment de la correspondance avec Louis XVI. Somme toute le Comte dit qu’il peut
avoir commis des erreurs de date, oublié ou omis de mentionner des choses, mais il nous
demande de « ne pas douter de la vérité des faits et de l’impartialité de
son jugement ».
Le Comte indique que ses
Mémoires couvrent soixante-cinq années de sa vie, c’est-à-dire de 1750 à
1815.
Homme
du monde
Le jeune François-Emmanuel fit ses études
dans divers collèges des Jésuites, les termina à Paris en 1749 : il n’avait
pas encore quinze ans.
Il devint
chevalier de Malte (à quatre ans).
Il fut aussi
chevalier de Saint-Jean de Jérusalem.
En
Angleterre, il fut fait docteur honorifique en droit d’Oxford.
La Russie en
fit un membre de l’ordre de Saint-André ainsi que du second ordre le
l’Empire : Saint-Alexandre Newski.
En 1815, il
devint pair héréditaire de France ; son éloge fut prononcé par le comte de Sèze, à
la Chambre des pairs, le 2 mai 1821.
Militaire,
diplomate, agent secret, ministre, exilé, le Comte semble posséder des renseignements
personnels sur un nombre prodigieux de personnes importantes de son temps – il vous suffira de consulter
l’index des Mémoires pour en avoir une meilleure idée.
Vous
verrez ci-dessous une liste des personnages avec lesquels le Comte eut des échanges
personnels.
Nous
commençons par les rois de France : Louis XV, Louis XVI et Louis XVIII ; à cela, il
faut ajouter les Reines et d’autres membres de la famille royale immédiate.
Pour
le reste de la liste, nous vous signalons les noms dans l’ordre où ils furent
relevés dans les Mémoires : madame de Pompadour, le comte de Broglie, le
comte Branicki, le marquis de Castries, le prince de Beauvau, la Reine-mère Élisabeth,
épouse de Philippe V, Charles III, le Roi du Portugal, le duc de Choiseul, la duchesse de
Grammont, sœur de Choiseul, madame du
Barry, le cardinal Constantin de Rohan, le prince de Kaunitz, l’impératrice Marie-Thérèse et Joseph II,
Vergennes, le Grand Seigneur en Turquie, le duc d’Aiguillon, le prince Nicolas
Repnin, l e Grand-Maître de Rohan, le baron de Staël, la duchesse de Polignac, le comte
de Montmorin, la duchesse de Grammont, l’archiduchesse Christine, sœur de la
Reine, la princesse d’Orange, le comte Nicolas Romanzov, Necker, le maréchal de
Beauvau, le duc de Nivervois, le comte et la comtesse d’Artois, le comte de
Puységur, Lafayette. Le duc de La Rochefoucauld, les archevêques de Bordeau et de
Vienne, le comte de La Tour du Pin, le comte de La Luzerne, le comte d’Estaing,
Mirabeau, le comte d'Argenson, le duc et la duchesse du Châtelet, le duc de La Vauguyon,
le maréchal de Broglie, Georges III d’Angleterre, Catherine II, Stanislas-Auguste
Poniatowski, roi de Pologne, Frédéric-Guillaume II, le baron de Staël, le comte
Vorontzov, le comte Ostermann, le comte Esterhazy, le baron de Montesquiou, le chevalier
de Borghèse, Christian VII, roi du Danemark, Gustave III, roi de Suède, le baron des
Cars, le baron de Breteuil, le baron de Thugut, le duc d’Orléans, Zoubov, favori de
Catherine II, François II d’Autriche, la princesse Louise de Condé, la princesse
Marie-Thérèse de France, le duc de Brunswick, le baron de la Rochefoucauld, Paul 1er
et l’Impératrice, le duc et la duchesse d’Angoulême, le duc de Raguse, le
maréchal Souwarow, l’Électeur de Saxe, M. de la Valette, Gustave IV,
l’Empereur Alexandre de Russie, l’Impératrice douairière de Russie.
Militaire
En 1750, il a
quinze ans, le jeune Saint-Priest est « inscrit dans la compagnie des Mousquetaire
gris, sans en faire le service ». En
même temps, il reçoit un bâton d’exempt des Gardes du corps et est nommé de
service auprès du Roi. Le duc de
Luxembourg est le capitaine de la compagnie des gardes où se trouve le jeune.
Il trouve
aussi à Versailles deux parents : l’abbé de Barral, son oncle, et le comte de
Verceil. Le jeune Saint-Priest est alors présenté à la Cour, notamment à Louis XV, à
Marie-Thérèse et à madame de Pompadour.
Il est
relevé de service le 1er avril 1752 et va faire « ses caravanes », c’est-à-dire ces
croisières que devait faire tout chevalier de Malte.
C’est pour le jeune
Saint-Priest le début d’une série de voyages. Il part par bateau de Marseilles, en
direction de Malte en février 1753. Il a l’occasion de voir la Sicile, Syracuse, la
Sardaigne, Cagliari, les côtes d’Espagne, Naples, Denia (port du royaume de
Valence), Majorque, Cabrera, Iviça, la côte d’Afrique (entre Tunis et Tripoli).
Il est alors
particulièrement bien traité en raison du bailli de Tencin, son oncle, lequel est un
homme très important de l’Ordre de Malte. Après deux ans de Caravanes, notre
chevalier revient en France, soit en mars 1755, non sans voir vu dans le golfe
d’Oristano des « sauvages effrayants ». Arrivé à Toulon, il revoit ses
parents au château de Saint-Priest et à Lyon, chez le cardinal de Tencin, archevêque de
Lyon (cet oncle dont nous venons de parler) ; la famille part ensuite pour Paris.
Citons ici un sommaire
de M. de Saint-Priest sur Malte : « La vie de Malte était molle et
oisive ; on y cédait malgré soi à une apathie qui s’emparait de tous ses
habitants ; ceux qui avaient l’habitude de cette existence ne voulaient plus en
essayer d’autre ; on y contractait un genre d’esprit superficiel et
précieux qui s’opposait au développement des forces morales. Le goût s’y
corrompait aussi vite que les mœurs ; la société de Malte avait son empreinte
particulière, aussi aisée à reconnaître pour des esprits exercés que celle des
sociétés de province ; pour me résumer, l’occupation y était trop impossible
et les plaisirs trop faciles ; c’était Chypre telle que Fénelon l’a
décrite dans Télémaque. »
Le jeune Saint-Priest
retrouve ses camarades des Compagnies des Gardes à Beauvais et les exercices militaires.
Il dit que l’instruction était peu avancée dans la cavalerie de la Maison du Roi.
François-Emmanuel rencontre aussi à Beauvais les frères Pontécoulant. Voici ce
qu’il dit du plus jeune : « Le chevalier, depuis baron de Pontécoulant,
différait essentiellement de son frère aîné ; moins d’avantages extérieurs,
moins de dehors brillants, mais plus de tenue, plus de constance envers ses amis ; on
pouvait compter sur lui pour tous les offices que l’amitié réclame. Ce fut à lui
que je m’attachai de préférence ; notre liaison dura jusqu’à sa mort
sans aucune interruption, sans aucun nuage, même passager ; on en verra plus
d’une preuve dans le court de mon récit. »
De Beauvais, il va à
Saint-Germain pour le 1er juillet, jour où le Roi passe sa Maison en revue au
Trou d’Enfer.
Il y a des accrochages
avec Londres, au point de déclarer la guerre. Saint-Priest va à Compiègne avec la Cour.
Il y a aussi l’attentat
de Pierre Damiens et le jeune Saint-Priest « bénit Dieu de n’avoir pas été
de quartier ce jour-là ».
Puis la
France a des militaires qui se battent en Allemagne. La Cour revient à Versailles. Il y a
descente des Anglais en Aunis. La maison du Roi part pour la Rochelle ; elle arrête
à Orléans car les Anglais sont repartis.
Le Comte a
alors congé : il retourne chez ses parents. Son oncle le cardinal de Tencin a
quatre-vingts ans, est malade et se prépare à mourir.
François-Emmanuel
reprend son service en octobre 1758. En raison de la guerre, il faut donc
« exercer aux évolutions militaires chaque compagnie des gardes du corps ».
Celle du jeune Saint-Priest, la compagnie de Luxembourg, va à Orléans trois mois
l’été et un mois l’hiver pour les officiers.
À la
disgrâce de Bernis, le Comte est à Choisy, auprès du Roi.
Puisqu’il
est question de Bernis, voici deux scènes remarquables des Mémoires.
« Madame de Pompadour protégeait Bernis d’une manière toute
particulière ; elle l’avait beaucoup connu dans sa société d’Étioles
où l’abbé s’était introduit en qualité de bel esprit. Il y colportait de
petits vers, de petits bouquets à Chloris. Ce rôle, qu’il jouait encore dans
d’autres maisons, avait déplu au cardinal de Fleury. Le vieux ministre repoussa avec
dureté toutes les demandes du jeune ecclésiastique. On connaît ce dialogue :
“ Vous n’aurez jamais de bénéfice de mon vivant. – Monseigneur, j’attendrai. ” La
réponse était plaisante, le Cardinal fut étonné mais ne se vengea pas ; il se
contenta de dire, en congédiant Bernis : “ Je viens de voir un petit abbé qui
m’a dit mon fait.
” » Le Comte y a vu un principe de sagesse dont il sut bénéficier en temps
opportun : j’attendrai...
Passons à
la seconde scène. Bernis vient d’être nommé cardinal, voici ce que dit
Saint-Priest. « Cet honneur tourna la tête du ministre bel esprit ; il se crut
un petit Richelieu, s’avisa de se donner, comme cardinal, des airs de premier
ministre et voulut même prendre rang en cette qualité. Fier de son crédit auprès de
Mesdames, soutenu par Madame Infante pour lors à la Cour, il négligea madame de
Pompadour qui en fut mortellement blessée. Elle le traita d’ingrat, ajoutant
qu’elle l’avait tiré de la boue. “ Dites de la misère, reprit le
Cardinal. Un homme de ma naissance n’a jamais pu être dans la boue. ”
»
En avril, le
Comte est à Amiens où il se fait la main au commandement de deux escadrons. Il est jugé
employable. Le Comte écrit : « Quelque belle que soit une carrière, le
point de départ est souvent puéril, insignifiant, frivole ; le hasard commence, au
mérite d’achever. »
Après juin,
il est de quartier auprès de Sa Majesté.
Il y a un
projet de descente en Angleterre et un combat au cours duquel le Comte dit qu’il
perdit le marquis de Jons, son cousin germain. Des problèmes surgissent aussi en
Allemagne, et le Comte est « impatient de voir que la Maison du Roi ne prend aucune
part à la guerre ». Il se prépare donc à rejoindre l’armée : «
J’étais heureux de l’avenir qui s’ouvrait devant moi ; cependant je
ne pus m’empêcher de donner des regrets aux plaisirs de la Cour, du grand
monde, à la société de quelques parents, de quelques amis, et surtout à la
société si douce, si agréable de la présidente de Gourgues, née Lamoignon (épouse du
marquis de Vayres et d’Aulnay), femme vraiment accomplie, avec laquelle j’ai
été intimement lié toute ma vie. ».
Le 1er
janvier 1760, c’est l’entrée de quartier, et le Comte relève du service du
Dauphin. Il obtient une place d’aide-maréchal des logis de l’armée commandée
par le maréchal de Broglie et dont le chef est le comte de Broglie, qui, soit dit en
passant, dirigera plus tard le Secret du Roi, c’est-à-dire les services secrets.
C’est le départ pour Francfort-sur-le-Mein, Gand, Cologne. Le jeune Saint-Priest est
attaché au Bureau, service d’où émanent tous les ordres.
Le Comte fait
deux campagnes en Allemagne : en 1760, sous le maréchal de Broglie, et en 1761, sous
le prince de Soubise ; il écrit avoir remarqué le désordre des armées françaises
et les querelles des généraux. Il visite Göttingen.
Quittant
l’armée où, dit Saint-Priest, il n’y avait plus rien à faire, il part pour
Amiens : résidence d’un mois ; après, c’est Versailles.
Une lettre de
recommandation du marquis de Castries pour le maréchal de Belle-Îsle lui permet
d’espérer le brevet de colonel. Le Roi l’accorde.
Sous
Choiseul, la Maison du Roi passa sous M. de Soubise. Pontécoulant et le Comte partent
pour la Normandie, passent par la Hollande, vont ensuite à Düssendorf où devait se
trouver le maréchal de Soubise. Le jeune Saint-Priest sert pour la première fois à la
guerre avec la Maison du Roi.
Le Comte
parle ici avec un sourire de Soubise et de Broglie : « Soubise était l’ennemi
du Maréchal, et Broglie n’ayant aucune disposition à l’obéissance, on pouvait
dire de lui, comme disait le duc de Laval de lui-même, qu’il aimait la subordination
en dessous. »
Saint-Priest
a ensuite congé : il part pour Montpellier. Cet hiver sera son dernier séjour
prolongé auprès de sa famille jusqu’à l’émigration.
En mai, il
faut aider les Espagnols contre le Portugal. Le Comte part pour Bayonne avec le
prince de Beauvau, commandant de douze bataillons d’infanterie. Le voyage lui permet
de passer à divers endroits : Bordeaux, les Pyrénées, Pampelune, Valladolid,
Madrid, Salamanque, Ciuda-Rodrigo, Almeida, Alfaiates, Guarda, Idanha Nova, Alcantara. La
campagne du Portugal prend fin le 2 novembre. Saint-Priest revient avec Beauvau par
Cascaes, Madrid (où il séjourne 6 semaines), Saragosse et Barcelone. Le Comte se
débrouille déjà en langue espagnole et sert dans les échanges avec les Espagnols.
Diplomate
et agent secret
À fin de la
campagne de Portugal, François-Emmanuel de Saint-Priest a l’idée d’écrire au
duc de Choiseul pour lui demander la place de ministre plénipotentiaire de France au
Portugal. Choiseul répond qu’il y est favorable.
Quels
étaient les antécédents de Saint-Priest pour accéder ainsi à la carrière
diplomatique ? Il le dit lui-même : « Je n’avais d’autre
connaissance en ce genre qu’un fonds d’histoire et de géographie, et j’ai
vu, par mon expérience, que c’est à peu près tout ce qu’il faut, en fait
d’études préliminaires, pour la diplomatie, la politique n’étant autre chose
que la juste application du jugement sur les personnes et les circonstances ; le reste est une routine qu’on ne peut guère
manquer d’acquérir promptement. »
En mars 1763,
le Comte obtient l’assurance de sa nomination au Portugal ; le départ pour
Lisbonne est prévu pour à l’automne. Il a vingt-huit ans.
Le comte de
Merle s’était brouillé avec Pombal et fut rappelé, et c’est Merle que
Saint-Priest allait remplacer. Celui-ci dit qu’« il s’agissait, pour le
ministre de France, d’avoir une conduite sage, propre à faire oublier les
imprudences de son prédécesseur et de se borner aux soins du commerce de France en
Portugal, tout à fait tombé, mais susceptible de reprendre un nouvel essor. »
Le baron de
Pontécoulant veut être du voyage, et le
Comte en est heureux. Ils prennent le bâteau le 1er novembre 1763 et arrivent
à Lisbonne le 11.
Le diplomate
Saint-Priest envoie des Mémoires annuels sur l’état du Portugal, lesquels satisfont
Choiseul. Après deux ans et demi, Saint-Priest demande à Choiseul, de quitter le
Portugal. Celui-ci lui propose Copenhague. Le Comte accepte ce poste, mais a oublié
quelque chose. Certes Choiseul pèse lourd, mais c’est M. de Praslin qui, en fait,
est ministre des Affaires étrangères, aussi celui-ci en décide-t-il autrement. Choiseul
reprend ensuite le ministère des Affaires étrangères et promet à Saint-Priest une
autre mission. Saint-Priest a donc congé.
Il part 1er
janvier 1767 pour l’Angleterre. À Londres, il retrouve encore son ami le baron de
Pontécoulant – lequel avait passé quelques mois au Portugal. Saint-Priest rencontre
également le comte de Guerchy, ambassadeur de France, ainsi que le célèbre chevalier
d’Éon (homme ou femme [la question s’est posée pendant des années] membre de
l’équipe du Secret du Roi). Saint-Priest a quelques notions de la langue anglaise.
Avec Pontécoulant et Phipps, c’est la visite de Bath, de Bristol et
d’Oxford. Au cours de ce voyage en Angleterre, il rencontre aussi madame Richard
Grenville (Earl Temple, ancien ambassadeur à Constantinople), belle-sœur de Pitt.
Grâce à
Phipps, ancien d’Oxford, et ami du recteur de cette université, le Comte se fait
offrir le bonnet de docteur honorifique en droit d’Oxford. Le Comte exprime son
angoisse à cette occasion. « M. le duc de Nivernois avait été reçu en cette qualité
quatre ou cinq ans auparavant, et je cédai à cette offre. Je choisis, comme lui, la
faculté de Droit. Mon inquiétude était d’avoir un discours en latin à faire, mais
on m’assura que le Duc en avait composé un en cette langue que personne n’avait
compris, n’étant pas prononcé à la manière anglaise. Je me disposai avec plaisir
à l’imiter, étant bien peu sûr de ma latinité de collège. »
De retour en
France, il lui est offert d’aller à la Cour de Suède ; ce sera pour
l’année suivante.
M. de
Saint-Priest dit que jusqu’alors sa fortune se bornait à un peu de mobilier, mais
qu’il n’avait encore aucune propriété.
Choiseul lui
obtient une pension de 4 000 francs. Sur le point de partir pour la Suède, le Comte entend parler d’une
proposition de Gérard, premier commis aux Affaires étrangères (il deviendra plus
tard le premier ambassadeur de France aux États-Unis) : il s’agit de nommer
Saint-Priest à Constantinople où il remplacera Vergennes. Le Comte se dit prêt à
servir n’importe où. Il ajoute, ce qui peut paraître étrange aujourd’hui, que
cette mission passait pour lucrative.
Il doit donc
faire revenir de Suède tous ses gens et ses effets et les envoyer à Constantinople. Le
voyage se faisant normalement par la mer, le Comte décide néanmoins de partir par terre
parce que Pontécoulant veut encore un fois l’accompagner. Ils feront un détour par
Vienne, traverseront une partie de l’Europe.
Sous
Vergennes (qui passa treize ans à Constantinople), Saint-Priest dit que « la
politique consistait à susciter la Porte contre l’impératrice de Russie ».
Selon lui, le gouvernement local de ce temps manquait d’énergie, c’était
l’ineptie militaire. Les instructions au comte de Saint-Priest lui demandaient de
faire déclarer la guerre par la Porte à la Russie.
Saint-Priest
donne sa démission des Gardes du corps, obtient son brevet d’enseigne et
conserve rang de colonel.
Avant son
départ, il est invité par le comte de Broglie, lequel lui remet une lettre du Roi
ordonnant de communiquer au comte de Broglie toutes les instructions reçues du ministre
des Affaires étrangères et de transmettre aussi à l’avenir à Broglie toutes les
dépêches et ordres envoyées au Comte et les réponses de celui-ci.. « Sa Majesté
exigeait le plus grand secret sous les plus graves peines. » Remis de sa surprise,
le Comte répond au Roi de son obéissance. Il est donc mêlé à la correspondance
secrète de Louis XV. Il faut savoir que le Secret du Roi avait débuté vers 1643.
À
Constantinople, le Comte relève du duc de Choiseul pour la politique, puis du duc de
Praslin pour le commerce maritime.
À Strasbourg
se produit un échange comique entre ecclésiastiques. Le Comte y mange chez le cardinal
Constantin de Rohan et dit ceci : « Je fus placé entre le Cardinal et un abbé
d’assez mauvaise mine, que je fus étonné de voir là. Ce n’était rien de
moins que l’abbé de Lorraine, oncle du prince de Lambesc, grand écuyer de France.
C’est lui qui dit au cardinal Constantin : “ Vous êtes bien heureux que je
sois plus bête que vous, sans quoi vous n’auriez jamais eu l’évêché de
Strasbourg. ”
»
Ce sont
ensuite Ulm, Vienne, Semlin, Belgrade (c’est là qu’il apprend de Vergennes que
la Porte a déclaré la guerre à la Russie : une partie de la mission de
Saint-Priest était donc accomplie). Après, il arrive à Andrinople, puis au palais de
France, « une grande et vieille baraque de bois qui tombait en ruine » et que
Choiseul lui avait demandé de rebâtir. Notez aussi que la maison de campagne de
l’ambassadeur se trouvait sur le canal menant à la mer Noire (à Tarabya).
Il y eut à
cette époque un accrochage entre Saint-Priest et Vergennes. Le Grand Vizir avait parlé
de Vergennes avec éloge, et M. de Saint-Priest n’en avait rien dit dans sa dépêche
à la Cour. Silence impardonnable semble-t-il...
Le Comte
analyse la situation en militaire : il voit des progrès chez les Russes, du recul chez
les Turcs ; Choiseul désespère à l’idée d’une victoire de la
Russie.
Faisant
partie du Secret du Roi, le Comte se sent obligé d’accepter une proposition
d’espionnage de l’ambassadeur d’Angleterre. Cette activité rondement
menée dure cinq ans. Voici la description de l’opération d’interception
de la correspondance diplomatique : « Cet ambassadeur, nommé Murray (Earl of
Mansfield), avait un domestique, gentilhomme polonais, avec lequel l’agent dont
j’ai parlé s’entendit. Cet homme était chargé de balayer le cabinet de
l’ambassadeur pendant son dîner qui ne durait jamais moins de deux heures. Ce Murray
était un homme de plaisir, aimant la table qu’il n’aurait pas quittée pour
l’affaire la plus importante ; ce domestique, qui avait l’air d’un
niais, ouvrait, chaque jour de courrier, avec une fausse clef, le tiroir où
l’ambassadeur mettait les dépêches reçues et ses réponses ministérielles ;
il les apportait au Polonais pour me les remettre, et comme je sais la langue anglaise, je
faisais rapidement l’extrait de toutes les pièces. Ensuite, l’homme allait les
replacer dans le tiroir avant la fin du dîner de l’ambassadeur. »
Après la
percée des Russes, le Comte envisage sérieusement la possibilité de la chute de
l’Empire ottoman. Nous apprenons qu’il examine même des débris pouvant
convenir à la France. L’Égypte, lui semble le pays le plus riche, le plus aisé à
conquérir et le plus facile à garder. La France est
sans rivale dans cette région. Tout ce qui est cultivé en Amérique s’y
trouve, dit-il. Les esclaves noirs, sont dix fois meilleurs marché qu’en Amérique (ajoutons
ici que cet atout fait pâlir aujourd’hui ; il est bien clair que, sur ce point
comme sur certains autres, le Comte réagit en homme de son temps). Le Comte
voit aussi dans cette conquête un grand avantage pour le commerce de l’Inde. Il
rédige un mémoire et l’envoie à la Cour. La France ne décide pas de profiter de
cette situation.
Choiseul et
le duc de Pralins, son cousin, sont renvoyés fin 1770. Six mois s’écoulent avec le
duc de la Vrillière aux Affaires étrangères par intérim. Le Comte écrit qu’il ne
reçoit aucune dépêche d’affaires pendant cette période. C’est enfin le duc
d’Aiguillon qui obtient les Affaires étrangères.
Le Comte dit
qu’il parlait sans cesse à la Porte de l’indiscipline, de la mauvaise
constitution des troupes, de l’insuffisance de son artillerie et de ses autres armes,
de même que de l’ignorance de ses généraux. Saint-Priest s’efforce
d’aider la Porte, avec l’aide du baron de Tott.
En 1771, la
Russie en a marre de cette guerre devenue sans objet. En outre, depuis le départ de
Choiseul, la France insiste beaucoup moins sur la continuation de la guerre.
Sous
d’Aiguillon, c’est la recherche de la conciliation ; une correspondance
amicale se rétablit entre la France et la Cour de Pétersbourg.
En 1772, c’est l’échec de la conciliation. En 1773, les hostilités
recommencent, les Turcs reprennent un peu l’avantage. Le Comte réussit à faire
libérer le prince Repnin (un
tableau de Casanova rappelle cet épisode). Repnin
passe ensuite un mois au palais de France ; les deux hommes seront amis pour le reste
de leur vie.
Louis XV
meurt peu avant la paix de Koutchouk-Kainardji. Vergennes devient ministre des Affaires
étrangères.
En 1774, M.
de Saint-Priest épouse à Constantinople mademoiselle de Ludolf, fille du comte de
Ludolf.
En 1774,
c’est aussi la paix des Tucs – paix de Kainardji. L’ambassadeur de
Russie est dorénavant un Repnin. La guerre profite finalement à la Russie.
Après huit
ans à Constantinople, le Comte obtient le congé demandé à Vergennes. Un fils est
né en 1775. Le Comte veut paraître à la Cour, voir le nouveau Roi. Chemin faisant,
Saint-Priest s’arrête à Malte, où son jeune frère fait ses caravanes.
Chemin
faisant, la jeune famille Saint-Priest perd malheureusement son enfant.
C’est
ensuite Toulon, Marseille, puis Montpellier où le Comte voit sa famille. Il arrive
finalement à Paris et exprime son désir de changer d’ambassade.
Au fait, il
arrive que le comte d’Adhémar voulait Constantinople. Le comte de Saint-Priest lui
parle de ses conditions : il veut la première grande ambassade disponible :
Rome, Madrid ou Vienne, une augmentation de traitement et une place de conseiller
d’État d’épée.
Certains virent là une intrigue et l’affaire tourna mal. Quant à Vergennes, il
préféra finalement garder à Constantinople une personne expérimentée.
Gilles
Perrault a présenté un élément nouveau dans un ouvrage publié en 1996, voici ce
qu’il écrit : « En 1777, on pensera à Saint-Priest pour l’ambassade de
Vienne (Vergennes s’y opposera victorieusement). Il vient d’épouser une
demoiselle, présentée ainsi : “ Fille du comte de Ludolf, issu d’une
noble et ancienne famille de l’Empire établie à Naples et envoyé extraordinaire de
cette puissance à la Porte ottomane ”. Quoique point du tout expert dans ce domaine,
nous pensons que cette dame devait être plus “ présentable ” qu’une veuve
Testa (explication :
l’épouse de Vergennes).
Marie-Thérèse n’en écrit pas moins à Mercy : “ Si son épouse devait venir
avec lui, ce serait un embarras bien grand par l’impossibilité de faire paraître
madame de Saint-Priest, vu sa naissance obscure, à la cour et parmi la noblesse, comme il
convient. Il faudrait donc que dans ce cas M. de Saint-Priest se décidât à laisser en
France son épouse. ” »
Il faut
souligner ici que Louis XVI demanda officiellement la dissolution du Secret du Roi, et ce,
dès le début de son règne.
Saint-Priest
repart pour Constantinople au printemps 1778 : voyage de cinquante jours. En son
absence, la peste avait passé.
En 1778, les ordres
du Comte sont de rétablir la bonne intelligence entre la Porte et la Russie. Des
négociations sont en cours, mais Vergennes, compte tenu d’autres données, demande
à Saint-Priest de les arrêter. Les parties passent par une période de tension. En mars
1779, l’accord d’Aïnali-Kavak est signé. La France en sort grandie aux
yeux de la Porte et de la Russie. Saint-Priest reçoit le collier de Saint-André ;
il souhaite l’ordre du Saint-Esprit, mais c’est en vain qu’il en parle à
Vergennes.
En 1783,
c’est la paix entre la France et l’Angleterre. Des complications repoussent le
rappel du Comte. Il propose de retourner l’ordre de Saint-André s’il reçoit
l’ordre du Saint-Esprit. Finalement, son successeur est nommé : le comte de
Choiseul-Gouffier. Saint-Priest s’occupe également d’une affaire de frontière
entre Joseph II et la Porte, à la satisfaction de Joseph II.
En 1785, dans
la cinquantaine, fortuné, officier général, Saint-Priest revient de
Constantinople ; la traversée dure dix-sept jours. Il passe par Toulon, Marseilles
et Montpellier. Il remet au Roi un travail rendant compte de son ambassade.
Malheureusement, Louis XVI ne lui parlera vraiment qu’après la mort de Vergennes,
période de disgrâce que le Comte attribue particulièrement à ce dernier.
Vergennes
meurt en février 1787, après 13 ans de ministère. Selon le Comte, il doit sa
réputation à la guerre d’Amérique, dont les avantages ne pouvaient compenser les
maux. Parmi les causes de la Révolution française, le Comte désigne le déficit des
finances qui a résulté de cette guerre. Pour le Comte il était clair que « si
l’Angleterre persistait à soumettre ses colonies par la force, elle n’y
parviendrait qu’après de longs efforts et l’épuisement de ses moyens. Si, au
contraire, la Grande-Bretagne accordait l’indépendance à ses colonies,
l’avantage de cette cession pour la France se trouvait accompli sans coup férir et
bourse délier.
» Point de vue parfaitement français !
Après la
mort de Vergennes, Mercy tente d’influencer Marie-Antoinette dans le choix d’un
nouveau ministre. Pourquoi pas M. de Saint-Priest ? La Reine en parle au Roi qui
repousse l’idée et se tourne vers M. de Montmorin. L’opinion de la Cour
était favorable à M. de Saint-Priest, mais il faut ajouter que, de toute façon,
Montmorin était un ami du Comte. Saint-Priest reçoit ensuite l’ambassade de
Hollande le 1er septembre 1787. Il part pour ce pays. Toutefois, à la
suite de l’irruption prussienne en Hollande, le Comte, à Anvers, demande des ordres
à Versailles ; à cause de bévues de la France, il s’exposait à des outrages
pendant la révolution de Hollande. Le Conseil d’État fut d’avis de le
rappeler. On s’amusa évidemment de la brièveté de son ambassade.
Il passe un
hiver tranquille à Paris. Il lui est demandé au printemps de retourner en Hollande, avec
ordre de soutenir le parti français et interdiction de porter les couleurs du parti
contraire (ce qui avait servi à échapper aux insolences). Il part avec sa femme et ses
enfants, passe par Bruxelles, Delft, et arrive à l’ambassade France à la Haye. Son
personnel est insulté par des polissons ; le Comte lui permet donc de porter un bout de
ruban orange, ce qui confond ce personnel avec tout le monde. Il rencontre le comte de
Maillebois, en disgrâce en France et qui est passé au service de la Hollande. Si le
Comte espionna l’ambassadeur de l’Angleterre en Turquie, ce fut son tour de
subir le même sort. En effet, Maillebois servit d’espion auprès de Saint-Priest, au
nom du prince d’Orange.
Trouvant son
poste désagréable, le Comte demande d’aller aux eaux à Spa; il y rencontre Harris,
ambassadeur d’Angleterre en Hollande, avec qui il s’entend bien, et Romanzof,
qui allait devenir vingt ans plus tard premier ministre de Russie et chancelier de
l’Empire.
En 1788,
Montmorin lui apprend que le Roi lui destine une place au Conseil d’État.
Ministre
1788-1790
Saint-Priest
entre au Conseil en décembre 1788, à titre de ministre d’État sans portefeuille ou
sans département.
En novembre
et décembre 1788, il lit l’ouvrage du comte d’Entraigues, son neveu, sur la
convocation des États Généraux. Le Comte y voit un livre incendiaire, contenant des
absurdités : le projet d’avoir 6 000 députés ; l’idée que la
Noblesse est le plus grand fléau d’un État.
M. de
Saint-Priest dit que, à cette époque, le ministre prédominant au Conseil est Necker.
C’est lui qui pilote les vues théoriques en matière de réforme. Il y a des
divergences au Conseil. La faiblesse du Roi est évidente et des intrigues se nouent à la Cour. Voici, en gros, le point de vue de
madame Hortense Dufour. Le 18 juin 1789, la proposition de Necker qu’abhorre la
Reine, suscite l’indignation des amis du Roi : réunion des trois ordres, projet
d’accorder le vote par tête, autorisation de délibérer sur tout projet
d’intérêt national, acceptation de l’égalité fiscale, accès de tous les
citoyens à n’importe quelle charge publique. Necker ne compte que de rares alliés
parmi les privilégiés : Saint-Priest, Montmorin et La Luzerne.
Le Roi dort
et ronfle au Conseil le 11 juillet 1789, mais il demande aussi la démission de Necker le
même jour. Le lendemain, Saint-Priest reçoit un billet du Roi lui demandant de
s’éloigner de ses Conseils et disant qu’il le récompenserait plus tard de ses
services.
Le
12 juillet 1789 l’Assemblée est révoltée. Paris se soulève.
Ensuite, à
Paris, ceux qui sont soupçonnés de royalisme sont arrêtés. Saint-Priest dit que la
population, encouragée par l’impunité et excitée par les factieux, se rend à la
Bastille pour s’en emparer. La ville de Paris est livrée à l’anarchie. Le
Comte écrit que le Prévôt des marchands, et le marquis de Lafayette, commandant de la
garde nationale entrent avec insolence en fonction sans attendre l’agrément du Roi,
qu’ils ont fini par être eux-mêmes victimes de la Révolution, l’un par le
supplice, l’autre par la ruine, la prison et le mépris public.
Les problèmes de légitimité s’accumulent. D’autres ministres démissionnent
et quittent même la France. Le Roi se trouve finalement sans ministre.
Le jeudi, à
sa maison de campagne, il est question du rappel de Saint-Priest et de celui de Necker. Le
comte de Saint-Priest manque d’enthousiasme à l’idée de reprendre place au
Conseil dans ces circonstances terribles ; il s’inquiète de l’avenir,
surtout après une preuve aussi manifeste de la faiblesse du Roi.
Saint-Priest
accepte tout de même et devient Secrétaire d’État de l’Intérieur, ce qui
comprend Paris. Il ne voit toutefois aucun moyen de remettre la capitale sous la
dépendance du Roi ; le Comte tente vainement d’échanger avec Montmorin son
portefeuille pour celui des Affaires étrangères.
Saint-Priest
formule quelques commentaires sur le Conseil et le Roi. Sous Louis XVI, dit-il,
l’état de ministre sans département était très insignifiant, ce prince
n’ayant jamais d’opinion dans les affaires portées au Conseil. Je ne lui ai
entendu articuler aucune. Il est donc heureux d’avoir un portefeuille, car les
secrétaires d’État avaient un travail particulier avec le Roi et étaient alors à
peu près maîtres de leur besogne.
Le Conseil
étant incomplet, Saint-Priest, par intérim, ajoute à ses responsabilités le
portefeuille de la Guerre et même des Finances, qu’il confie à M. de Lambert.
L’approche
de Necker ayant échoué, celui-ci fut étonné de l’état des choses à son retour
en France et au Conseil ; il trouva la sédition dans toutes les provinces,
l’autorité du Roi éteinte, dit Saint-Priest.
Necker
propose un emprunt de 30 millions et l’Assemblée Nationale accepte mais, au bout du
compte, les prêteurs se désistent. En désespoir de cause, Necker recommande au Roi
d’envoyer la vaisselle d’argent à la Monnaie, mesure nettement insuffisante et
contribuant à discréditer ce ministre.
L’anarchie
progressait et les impôts ne rentraient pas toujours, la populace se mit à piller et à
brûler des châteaux. Le château de Jons, sur le bord du Rhônes, et qui appartenait à
M. de Saint-Priest fut incendié.
Depuis le 13
juillet 1789, le régiment de Gardes avait cessé d’obéir à ses officiers. Le Roi
licencie ce régiment. La ville de Paris prend ce dernier à son service, exprimant ainsi
une forme de souveraineté, dit Saint-Priest, qui ajoute qu’elle en fait une garde
nationale soldée, dirigée par Lafayette, sous l’autorité du maire et du peuple
soi-disant souverain.
En juillet
1789, le comte d’Artois et les autres princes du sang s’enfuient, et
d’Angivillers décide d’émigrer. Son département des Bâtiments tombe par
intérim dans les mains de Saint-Priest.
En septembre
1789, la position du Roi et de la famille royale est extrêmement précaire.
Problème : le Comte s’efforce d’améliorer la situation, mais il reste
que, même dans les crises urgentes, les intrigues de cour prévalent sur les mesures
nécessaires. Le 5 octobre 1789, la garde nationale marche sous la direction de
Lafayette, avec de l’artillerie, en direction de Versailles. Le Conseil est alors
composé de huit ministres. Le Comte veut miser sur les forces disponibles et que la
famille royale parte pour Rambouillet, bien gardée. Le Conseil est divisé et ce plan est finalement renversé. De son côté,
Lafayette disait qu’il n’avait aucune intention dangereuse, qu’il
s’engageait à maintenir l’ordre et le respect dû au Roi. Il faut bien ajouter
qu’on ne lui obéissait pas toujours.
Le Comte
recommande toujours au Roi de partir pour Rambouillet. Cette fois, la Reine
accepte et les préparatifs commencent. L’Assemblée Nationale, curieusement
informée de cette résolution, dit Saint-Priest, décrète qu’elle suivait Sa
Majesté dont elle était inséparable.
À
Versailles, la délégation dit que la population manque de pain à Paris. Saint-Priest,
chargé de lui répondre, dit qu’il y a eu disette et que du grain est attendu.
Le Comte dit
au Roi qu’il va chez lui faire partir pour Rambouillet sa femme et ses enfants, et
qu’il y devancera Sa Majesté à titre de ministre de sa Maison pour l’y
recevoir. À ce stade, Saint-Priest entrevoit le commencement d’une guerre civile.
Mais voilà que le Roi révoque l’ordre de son départ ; le Comte revient donc
à Versailles après avoir appris la décision du Roi.
Le lendemain,
attaques, assassinats, efforts pour atteindre le Roi et la Reine dans le château de
Versailles. Lafayette calme un peu les choses, notamment en distribuant du pain. Le Comte
tente encore de convaincre le Roi de partir pour échapper à l’extrême danger.
Toutefois, la foule a crié à Paris. Le Roi se laisse persuader de se rendre à Paris.
Lafayette proclame cette décision, la foule applaudit et repart.
Chartres et
Orléans voulaient pourtant que le Roi vienne s’y réfugier, loin de ce qui était
décrit comme « l’insolence parisienne ».
Saint-Priest
part pour Paris le 6 octobre 1789. À Passy, il demande à dîner à l’ambassadeur de
Naples, son voisin ; il y dépose aussi deux caisses d’effets personnels. Ensuite, un
secrétaire de l’ambassadeur, traître à son maître, fera imprimer une partie de ce
qui appartenait à M. de Saint-Priest (il
serait utile de trouver cette documentation).
Lafayette et
sa garde occupent les Tuileries, les Gardes du corps sont envoyés à Rambouillet. Donc,
ce que le Comte avait dit au Roi le 5 octobre se confirmait : une fois à Paris, Sa
Majesté serait captive.
Somme toute,
la stratégie du comte de Saint-Priest consistait à faire mieux respecter les lois et à
répondre à la force par la force, croyant alors cela tout à fait possible – il
décrit comment dans les Mémoires. Son point de vue ne
prévalut point.
Saint-Priest
écrit que l’on obéissait encore dans les provinces et les ministres pouvaient
diriger les départements, qu’à Paris, tout finit par passer sous les ordres de
l’Assemblée Nationale, que le Roi ne refusait de sanctionner aucun décret,
espérant qu’à force de fautes et de mauvaises mesures, l’Assemblée se
discréditerait, que tout le royaume serait révolté de ces extravagances.
Le
2 décembre 1789, le Comte demeure au Louvres, à titre de secrétaire d’État de la
Maison du Roi. Il écrit que ses fonctions se limitent à expédier dans les provinces les
mandats et les lois proposés par l’Assemblée et sanctionnés par Sa Majesté.
Les
inconvénients quotidiens du Comte sont quelque peu compensés par des avantages
personnels : nomination de l’abbé de Bovet à l’évêché de Sisteron,
cousin de son père. Son frère est nommé premier tranchant ainsi que porte-cornette
blanche de la couronne avec grade de colonel, ce qui l’approcha du Roi. Le Comte dit
que son frère suivit le Roi jusqu’au 10 août, à l’Assemblée, jour où Sa
Majesté fut enfermée au Temple. M. de Saint-Priest nous rappelle que son frère paya ce
dévouement de sa vie.
Les meneurs
de l’Assemblée Nationale avaient alors confiance à Saint-Priest ; Lafayette le
visitait sans cesse, fatiguant le Comte.
Le Comte
publie un écrit en réponse à une calomnie de Mirabeau : « Vous aviez
autrefois un Roi qui vous donnait du pain ; vous en avez maintenant douze cents, allez
leur en demander. »
Le document est destiné à l’Assemblée Nationale. Saint-Priest sort vainqueur.
Le Comte est
aussi aux prises avec des révolutionnaires qui, dit-il ironiquement, tiennent tout de
même à certains principes moraux ! « Je fis un petit mémoire pour réclamer
contre cette injustice, et il fit effet dans l’Assemblée, même sur Mirabeau qui dit
de moi : “ je veux bien qu’on le pende, mais non pas qu’on le vole
”.
»
Le Comte
écrit qu’il jura le maintien de la constitution et entendait être fidèle à son
serment.
Puis, la
défaveur publique atteint Saint-Priest, on s’éloigne de lui : Lafayette,
Bailly, les députés du côté gauche ; Necker dit même ne pas comprendre pourquoi, dans
ces circonstances, Saint-Priest ne quitte pas ses fonctions. On tente d’ailleurs
aussi de se débarrasser de Necker ; sa femme menacée le pousse à donner sa démission.
Mirabeau attaque à l’Assemblée le ministère du Roi. Il ne reste plus que cinq
ministres ; certains offrent leur démission, dont M. de Saint-Priest. Le Roi les refuse.
Le courant devient néanmoins irrésistible, des démissions successives sont
présentées, et Saint-Priest est le dernier à le faire, retenu par le Roi jusqu’à
la fin de 1790. La lettre de démission de Saint-Priest date du 26 décembre 1790. Il
quitte volontiers son département mais souhaitant tout de même conserver la place
d’intendant de la Liste civile. Pourtant, si le Comte avait continué de jouer ce
rôle, il aurait probablement connu le sort de Laporte, titulaire après lui, et le
premier immolé par la Convention après la déchéance du Roi, en 1792.
Saint-Priest
écrit aussi que le Roi méditait sa fuite de Paris, à l’insu des ministres.
Dans ces
circonstances, ignorant ce qui resterait de sa fortune après lui, Saint-Priest dit avoir
demandé un brevet de douaire de six mille livres pour sa femme et qu’il fut aussi
question de 24 000 livres de pension des Affaires Étrangères, ce qu’il
n’a touché que la première année.
N’ayant
plus à prendre part au gouvernement de la France, Saint-Priest s’occupe dorénavant
de ses affaires personnelles.
Selon le
Comte, au dernier acte de la tragédie, le Roi fut admirable par sa patience, sa
résignation religieuse, son extérieur calme et le pardon de ses ennemis. Son testament
est un vrai chef-d’œuvre qui honorera à jamais sa mémoire.
Quelques
semaines avant de quitter sa place de secrétaire d’État, le Comte songe à
s’éloigner de la France. Il demande au Roi de lui donner l’ambassade de Suède,
seule vacante. Il dit que l’ordre de Saint-André emportait en Russie et en Suède le
grade de lieutenant-général, ce qu’il demande. Tout est arrangé comme il veut.
Toutefois, M. de Saint-Priest doit subséquemment renoncer à cette ambassade en raison de
pressions de l’Assemblée.
Le Comte
apprend de la sœur d’un député, madame Descorches, qu’il est question de
se débarrasser de lui d’une façon ou d’une autre ; cette dame
l’exhorte à quitter la France.
Saint-Priest
fait prévenir Sa Majesté de son projet de faire un voyage dans le Nord ; il est prêt à
accepter une commission. Le Roi ne désapprouve pas le départ, mais ne donne alors aucun
ordre au Comte, et Louis XVI ne lui en donnera d’ailleurs plus aucun de son vivant.
En mars 1791,
madame de Saint-Priest part pour l’Angleterre ; le Comte entend l’y
rejoindre en mai, à Londres. Le Comte charge son frère aîné de ses affaires
personnelles. M. de Saint-Priest quitte la France avec 2 000 louis et ses diamants.
Il échappa
ainsi au sort des secrétaires d’État, qui périrent victimes des révolutionnaires.
Il avait à
ce moment-là six enfants en bas âge..
Marie-Antoinette
Bien que le
Comte ait écrit un long chapitre sur Marie-Antoinette, nous n’aborderons dans le
présent document que l’affaire Fersen.
Hortense
Dufour, a publié un ouvrage sur Marie-Antoinette ; nous nous servons ici
de son information sur Fersen. Madame Dufour nous dit que le 30 janvier 1774,
Marie-Antoinette remarque un Suédois, grand, aux cheveux blonds, viril et souple à la
fois. Coup de foudre. C’est Axel de Fersen. Il a dix-huit ans, est le fils du
feld-maréchal de Fersen, membre du Conseil Royal de Suède. Il séjourne en France pour
achever son éducation. Il devient l’amant de madame de Brancas. Fersen ayant ensuite
quitté la France devenait en Suède l’amant de la duchesse de Sudermanie,
belle-sœur de Gustave III. Fersen revient en France en 1779, printemps et été au
cours desquels il ne quitte guère la Cour. Marie-Antoinette est alors enceinte de quatre
mois. Fersen brouille la piste, dit Hortense Dufour : il a sollicité la main de la
richissime mademoiselle Leyel et poursuit de ses galanteries une comtesse suédoise.
Marie-Antoinette l’invite à toutes ses soirées intimes. Fersen repart, cette fois
pour l’Amérique, et revient en 1783. Là-bas il jouit des faveurs de Mlle
Hunter. Le 3 juillet 1783, il écrit à sa sœur : « J’ai pris mon
parti. Je ne veux jamais former de lien conjugal, il est contre nature… Je ne puis
être à la seule personne à qui je voudrais être, la seule qui m’aime
véritablement, ainsi je ne veux être à personne. » Été 1783, Fersen rompt avec
deux maîtresses anglaises : Emily Cooper et Elisabeth Foster. En 1783, Fersen
tente de renouer ses fiançailles avec Mlle Leyel et jette aussi son dévolu
sur la future madame de Staël. Et, comme si cela ne suffisait pas encore, le baron de
Breteuil souhaite toujours l’avoir pour gendre. Puis Fersen accompagne son souverain
en voyage incognito en Europe (pour la circonstance, le roi de Suède s’appellera le
comte de Haga). La Reine de France fait une fausse couche le 3 novembre. Mai 1784, le
comte de Haga et sa suite arrivent à Versailles. Fersen est l’officier préféré de
son souverain, et celui-ci n’aime pas Marie-Antoinette ; il y a une sourde rivalité
entre eux au sujet de Fersen. Neuf mois après le départ de Fersen et du roi de Suède,
la Reine accouche du second Dauphin : mars 1785 (elle ne réalise pas que
« l’enfant est abandonné socialement », ajoute madame Dufour). Il y a
des doutes sur la paternité du Roi à la naissance de son deuxième fils, soit Louis
Charles, duc de Normandie. En 2000, des analyses génétiques confirmaient finalement que
les enfants de Marie-Antoinette ont eu le même père. Vers janvier 1788, Fersen doit
partir car la Suède a déclaré la guerre à la Russie. En juillet 1789, Fersen apparaît
brièvement à Versailles. Somme toute, il est permis de se demander ce qui pouvait bien
se passer entre Marie-Antoinette et Fersen ; en effet, Marie-Antoinette, selon
l’usage très ancien des reines,
n’est jamais seule. Fersen pouvait trouver refuge au Trianon, à Saint-Cloud et aux
Tuileries, semble-t-il. Il y eut de la complicité dans leur entourage, notamment celle de
La Fayette. Les ennemis de la reine connaissaient aussi cette liaison. Par contre, vers
juillet 1790, La Fayette est un ennemi de la Reine – son apparente indulgence à
protéger ses rencontres avec Fersen était un calcul pour la réduire. La Fayette
souhaite le divorce de la Reine et veut la faire accuser d’adultère, ce qui
rétablirait le roi dans sa dignité. La position de la Reine est néanmoins claire :
elle ne divorcera jamais. En 1790, l’été est doré à Saint-Cloud : présence
quotidienne de Fersen ami, allié, amant. Il s’évertue à aider le Roi à fuir. Les
émigrés, de plus en plus nombreux, fomentent leurs complots pour aider le Roi, mais une
coalition semble irréalisable. Farouchement antirévolutionnaire, Marie-Antoinette (et le
Roi) ne croit pas à la sagesse des conseils de Mirabeau : établir un royaume
constitutionnel comme en Angleterre, tenant compte des nouveaux courants. Fersen apprend
à Bouillé le 29 mai 1792 que la fuite
est fixée au 20 juin. Ensuite, c’est Varennes – échec de la fuite ; c’en
est fini de la monarchie jusqu’en 1820. Juillet 1791 : Fersen est à Bruxelles.
Début février 1792 : Fersen écrit à Marie-Antoinette qu’il viendra la voir.
Il ne reste à la monarchie que seize semaines à vivre. Fersen a besoin d’être
caché à Paris. Il renoue sa liaison avec madame Sullivan ; pour lui, c’est le
cadeau qui la récompense du grand risque
qu’elle prend pour aider la cause. En effet, il est sous mandat d’arrêt pour
avoir organisé la fuite de Varennes. Il parvient aux Tuileries le 13 février 1792.
Il passe la nuit avec Marie-Antoinette et se présente au Roi le 14 février (jour de
la Saint-Valentin), proposant le plan d’une fuite à Rouen. Sa Majesté lui
répond : « Jamais plus de fuite monsieur. » Fersen se cache encore chez Éléonore
Sullivan une dizaine de jours et quitte finalement Paris le 23 février. Aussitôt à
Stockholm, il tente de rallier son pays aux côtés de l’Autriche et de la Prusse en
vue d’anéantir la Révolution, mais Gustave III meurt assassiné. L’Autriche
provoque l’Assemblée : casus belli. Le 20 avril 1792, Louis XVI fait
adopter la déclaration de guerre contre l’empereur. Il fait aussi envoyer son agent
secret M. Maillet du Pan à Vienne, chez le roi de Prusse et chez les princes allemands,
pour les avertir qu’il compte sur eux pour redevenir le roi de France.
Marie-Antoinette fait parvenir à Mercy et à Fersen les décisions de l’Assemblée,
les stratégies militaires de Dumouriez. On l’accuse de collaborer avec
l’ennemi. Elle n’attend de secours que de sa patrie d’origine.
Marie-Antoinette et Fersen continuent de correspondre. Fersen, à Bruxelles, est persuadé
de la victoire de Brunswick : celui-ci écrasera la Révolution. Le 25 juillet
1792 : manifeste de Coblence. Brunswick menace Paris de représailles sanglantes si
jamais il est fait le moindre outrage à Leurs Majestés. Contre-révolution !
L’Assemblée et la nation demandent la déchéance du roi. Le 21 septembre 1792,
la République est proclamée par la Convention. Le Roi est arrêté en 1792.
Ici prennent
fin les renseignements de madame Dufour.
Voilà
qu’il manque dans tout cela une information des plus importantes pour le comte de
Saint-Priest.
Voici cet
élément surprise, trouvé dans La Revanche Américaine, dernier volume de la
série de Gilles Perrault, traitant du Secret du Roi. Cet auteur écrit ceci :
« Indiquons pour l’anecdote que madame de Saint-Priest eut dans ces années-là
une liaison avec Axel de Fersen. » Ce ne pouvait être
qu'à compter de 1785, année de la fin du séjour du couple à Constantinople.
Qu’est-ce
que le comte de Saint-Priest écrit au sujet de son mariage dans ses Mémoires,
rédigés vers la fin de sa vie ? « Elle avait dix-sept ans de moins que moi, et
notre union a duré trente-trois ans, époque la plus heureuse de ma vie. Le souvenir de
ses vertus me suivra jusqu’à la tombe, et, en attendant ce terme dont
j’approche tous les jours, les enfants qu’elle m’a laissés font toute ma
consolation
. »
Émigré
M. de
Saint-Priest servit donc la France pendant quarante ans, de 1750 (quand il fut reçu
mousquetaire) à 1790. Ensuite, ce fut dix ans en émigration.
1791
À son
départ pour l’Angleterre, le Comte se dit détesté en raison de son attachement au
Roi et à la monarchie. Son itinéraire passe par Boulogne-sur-Mer, Cantorbéry, puis il
arrive à Londres. S’il trouve madame de Saint-Priest en bonne santé, lui, par
contre, est malade.
Saint-Priest
est reçu par Georges III, alors remis de son absence de raison.
Rétabli, le
Comte part pour la Suède, où son beau-frère, le comte de Ludolf, est ministre
plénipotentiaire de la Cour de Vienne. C’est là que madame de Saint-Priest veut
attendre le retour en France.
Le couple
passe par la Norvège : Christiania, Mass. C’est pendant ce voyage que le comte
apprend que Louis XVI et la famille royale se sont échappés de Paris. Toutefois, arrivé
en Suède, il apprend la capture du Roi à Varennes.
Le Comte
logera chez le comte de Ludolf jusqu’à la nomination de celui-ci à Copenhague.
Saint-Priest
s’achemine vers la Russie par le golfe de Bothnie. Il a une très agréable rencontre
avec Catherine II, qui l’avait invité plus d’une fois, notamment par le comte
Vorontzov, son ministre à Londres. Il y rencontre aussi le prince Zoubov, alors favori en
titre de l’Impératrice, lequel a quarante ans de moins que la souveraine.
L’Impératrice,
dans sa correspondance avec Voltaire, avait autrefois donné des signes d’aversion
pour le comte de Saint-Priest, alors à Constantinople. La situation était alors tendue
avec la Russie, et l’Impératrice avait des griefs, mais ses sentiments avaient bien
changé depuis la convention d’Ainali-Kavak.
En réponse
au Comte, Catherine refuse de collaborer avec Gustave III pour rétablir l’ordre en
France. Ayant été bien accueilli par Catherine, Saint-Priest reçoit ensuite de
nombreuses invitations de la Cour et du corps diplomatique en Russie.
Catherine
alla même jusqu’à offrir de prendre Saint-Priest à son service. Le comte répondit
poliment « que le ministre de Louis XVI ne pouvait appartenir à personne ».
Catherine le
comprend et l’approuve. L’Impératrice écrit qu’elle est
« grand-maître de l’ordre de Saint-André, chargée de veiller au bien-être
des chevaliers et conserver la dignité convenable au premier ordre de mon empire
». C’est pourquoi elle offre à Saint-Priest une pension annuelle en raison des
pertes de celui-ci : 6 000 roubles d’argent, le tout payé exactement
durant vingt-quatre ans,
précieux secours de la famille pendant l’émigration. Bien entendu, Saint-Priest
l’assure de son dévouement en tout ce qui ne sera pas contraire au service du Roi,
et il part de Pétersbourg le 28 octobre 1791.
Direction :
Varsovie. Il allonge sa route pour connaître les Cours de Pologne, de Dresde, de Berlin
et de Copenhague. Le Comte n’a aucune commission politique de la part de
l’Impératrice et le dit clairement.
Il apprend à
Varsovie que Louis XVI avait accepté la constitution présentée par l’Assemblée
Nationale. Après avoir lu ce document, le Comte trouve la Constitution impraticable, car
« le Roi était chargé de toute la responsabilité de l’administration, en même
temps qu’elle lui ôtait toute liberté d’action ». En outre, le frère
de M. de Saint-Priest lui demandait de rentrer en France, disant qu’il lui serait
difficile de s’occuper des affaires du Comte. Le Comte lui conseille de venir le
rejoindre, de se mettre à l’abris de l’orage qui s’annonce.
Il repart,
passe par la Silésie, puis arrive à Dresde, où il voit Frédéric-Auguste III.
Après cinq
jours, Saint-Priest part pour Berlin. Il demande à Frédéric-Guillaume II de venir au
secours de Louis XVI ; la réponse est qu’il ne sera pas le premier à agir en
ce sens. Après un séjour de trois semaines, Saint-Priest se dirige vers Hambourg, où il
séjourne trois jours.
Vient ensuite
Copenhague. Il y trouve Christian VII dément. Le comte de Saint-Priest écrit que le
prince royal devait signer pour valider la signature du Roi. Le Comte discute les affaires
de France avec le prince royal ; la neutralité est l’option de celui-ci. Le séjour
du Comte dure trois semaines.
Saint-Priest
est de retour à Stockholm en décembre 1791. Il y est question d’un projet de
coalition contre la France, conçu par Gustave III, adversaire déclaré de la Révolution
française. Le 18 mars, une lettre anonyme signale un complot d’assassinat de Gustave
III, mais celui-ci refuse d’en tenir compte, et il est bel et bien victime d’un
attentat plus tard le même jour ; il meurt des suites le 29 mars 1792. La politique
suédoise change subséquemment.
1792-1796
Une guerre
austro-prussienne est déclenchée contre la France. Les Princes, frères du Roi à
Coblentz, coopèrent avec la Prusse et l’Autriche. Le marquis de Bombelles arrive de
Russie, expédié par le baron de Breteuil qui disait avoir la confiance directe de Louis
XVI et exprimait une espèce d’opposition au parti des princes.
Le Comte
écrit que madame de Saint-Priest reçoit, en même temps, une lettre du comte de Fersen,
lui demandant de la part de Breteuil, quelle ambassade du Nord voudrait Saint-Priest, puis
disant que, au retour en France, celui-ci était assuré de sa place au Conseil
d’État.
Louis XVI
meurt le 21 janvier 1793. Monsieur se déclare lieutenant-général du royaume pendant la
minorité de Louis XVII. Monsieur prince demande au Comte d’aller à Vérone;
Saint-Priest hésite en raison de craintes pour la sécurité des siens en France.
Saint-Priest
apprend la perte de son frère : « son compagnon d’enfance, parent le plus
proche, ami le plus tendre ». Il dit que cela le blessa au cœur et qu’il
eut bien de la peine à s’y résigner.
Emmanuel,
fils aîné, vient en Suède en 1793, il a seize ans. Il est envoyé en Russie, où il est
officier dans le corps des cadets de l’artillerie. Armand, dix ans, rentre en France.
Louis XVII
meurt à son tour, le 8 juin 1795. Monsieur devient roi titulaire. Il écrit de sa main au
Comte et l’appelle auprès de lui. Le Comte accepte de servir le roi légitime, Louis
XVIII, et quitte la Suède le 20 novembre 1795, y laissant madame de Saint-Priest.
Nouveau
voyage de Saint-Priest : Abo, Finlande, arrivée à Pétersbourg. Catherine refuse
d’intervenir en France, croyant que l’expérience avait prouvé qu’on ne
pouvait parvenir au rétablissement de l’ordre en France en y employant la force,
qu’il fallait attendre que des désordres intérieurs amenassent les Français à
souhaiter le retour de la maison de Bourbon. Quant à lui, le Comte
croyait que le nom de Catherine pouvait rallier les alliés... Il trouve que Catherine a vieilli sur les plans
physique et moral. Il obtient d’elle qu’elle reconnaisse Louis XVIII comme roi
de France. Saint-Priest demande qu’Emmanuel passe dans un régiment des gardes, alors
service de faveur. Ce fils est nommé lieutenant dans le régiment de Semenowski; le Comte
demande aussi de l’amener en Allemagne.
Saint-Priest
se prépare à partir pour Vérone ; il a l’intention de visiter le maréchal
comte de Roumiantsov en Ukraine, à son château de Tachane. Il a correspondu avec ce
maréchal à l’époque de l’ambassade à Constantinople ; ce projet de
voyage lui permet de traverser toute la Russie européenne, Novgorod, Moscou, Bathurin,
Après deux jours chez Roumiantsov, il part
pour Kiew et trouve la Volhynie.
Au fait,
Saint-Priest décrit une scène précieuse, liée à l’époque de la visite Catherine
II à Kiew. Elle demande alors l’avis de certaines personnes :
« L’ambassadeur de l’Empereur, Cobenzl, le comte de Ségur, ministre de la
France, et Fitsherbert, le ministre britannique, l’avaient accompagnée. “
Comment vous paraît Kiew ? demanda-t-elle à Cobenzl. – Superbe,
admirable ? répondit-il. – Et vous monsieur de Ségur ? – Un
grand souvenir et une grande espérance. ” Enfin elle demanda à Fitsherbert ce
qu’il en pensait. “ Que c’est un affreux désert ! répliqua-t-il.
– Voilà les trois caractères, reprit-elle, le courtisan, l’homme poli, et
l’homme sincère ”. »
Saint-Priest
arrive à Vienne ; un ordre du Roi lui demande de demeurer là jusqu’à
l’arrivée du comte de Choiseul-Gouffier. Saint-Priest rencontre François II, lequel
n’accepte que Saint-Priest à Vienne comme agent de Louis XVIII. Le fils de
Saint-Priest peut alors se rendre à Constantinople, visiter son oncle le comte de Ludolf,
envoyé extraordinaire des Deux-Siciles et, de là, partir pour la Russie. À Vienne,
Saint-Priest connaît un grand nombre de dames françaises et quelques hommes. Ils
finissent par être huit, installés dans une maison pendant plusieurs mois, avec
l’aide du comte François Dietrichstein.
Au bout
d’un certain temps, dit le Comte, la présence de Louis XVIII paraît fort coûteuse
au Sénat vénitien. La République demande au Roi de partir. Celui-ci va rejoindre
l’armée de Condé, et Louis XVIII est légèrement blessé à Dillingen. Le Roi
décide ensuite de se séparer de l’armée autrichienne, mais la chose est
délicate : somme toute le Roi s’était joint à l’armée autrichienne
lorsqu’il était question de sa rentrée en France, mais il ne croyait pas devoir
défendre les frontières autrichiennes, ce qui déplut fort à plus d’un endroit. Le
Comte était chargé de communiquer à la Cour de Vienne le contenu de la lettre du Roi à
cet effet. Le Comte n’exécute pas l’ordre et fait connaître au Roi ses raisons.
Puis
c’est la consternation : Catherine II meurt en novembre 1796. Elle allait signer
une alliance offensive contre la France ; il faut donc y voir une grande perte pour
la coalition.
1797-1807
Paix de
Campo-Formio : Vienne signe la paix avec le gouvernement français. Le Comte y voit
une des conséquences de la mort de Catherine.
Au
commencement de 1797, Louis XVIII est à Blankenbourg. Il fait venir le comte de
Saint-Priest et le charge de la correspondance. Le Comte tente de convaincre le Roi
d’obtenir de Paul, en Russie, un appui semblable à celui de Catherine ; il
recommande aussi à Sa Majesté de compter sur la Russie et non sur l’Espagne
– ce que voulait le duc de la Vauguyon. Le plan du Comte est
adopté. La vie à Blankenbourg ne manquait pas d’agrément, et cela dura trois mois.
Son fils,
d’à peine vingt ans, arrive de Constantinople en Russie pour le couronnement de Paul
1er ; il est nommé capitaine dans la garde impériale.
Le Comte
repart pour Pétersbourg. Paul 1er l’y accueille. Saint-Priest y trouve le
baron de La Rochefoucauld envoyé aux fins de l’entrée du corps de Condé au service
de l’empereur Paul. Paul 1er voit souvent Saint-Priest et lui parle de
plusieurs choses : sa mère, ses voyages en France, sa politique, son armée. Paul
est favorable à Louis XVIII, lui permet de s’installer à Gevers et lui offre
deux cent mille roubles pour cent gardes du corps tirés de l’armée de Condé. Le
roi de Pologne arrive pour le couronnement de Paul. Compte tenu de certaines décisions de
Paul allant à l’encontre de celles de Catherine et de la paix de Campo-Formio,
Saint-Priest écrit avoir senti que le temps n’était pas propice pour solliciter
davantage l’intérêt de Paul en faveur de Louis XVIII.
Le Comte
revient, passe par la Suède avec Emmanuel qui n’a pas vu sa mère depuis quatre ans.
Les deux trouvent madame de Saint-Priest en bonne santé. C’est précisément le
temps des fêtes du mariage de Leurs Majestés Suédoises.
Louis XVIII
doit quitter Blankenbourg à la demande du duc de Brunswick. Paul propose un asile au
palais ducal de Mittau, et l’offre est acceptée.
Louis XVIII
demande à Saint-Priest de le rencontrer en Courlande. Madame de Saint-Priest n’est
pas bien. Le devoir appelle tout de même le Comte à Mittau. Arrivé auprès de Louis
XVIII, Saint-Priest trouve celui-ci est malade : accès de goutte. À l’époque,
la partie brûlée du château de Mittau, n’avait pas été réparée.
Le Comte est
remis en possession de la correspondance et décrit cette période délicate :
conflit de personnalité entre M. d’Avaray et de Saint-Priest en raison de
l’âge, de l’expérience et de nombreuses autres choses. Le Comte ne voulait pas
servir sous d’Avaray. Saint-Priest dit au lecteur que se respecter soi-même a
toujours été sa première règle de conduite, ce qui lui a valu de parvenir à une
grande vieillesse sans regretter aucune de ses actions. Louis XVIII se rendit
difficilement à sa demande ; il convint que le Comte lui remettrait des minutes de
réponses qu’il examinerait. Toutefois, toutes les dépêches étaient communiquées
secrètement à d’Avaray, celui-ci faisait ses observations ; le Roi copiait
celles-ci à mi-marge et les renvoyaient au Comte. Le Comte en fut blessé. En outre, ses
réponses aux observations du Roi ou d’Avaray étaient rarement adoptées. Voyant
qu’il n’y avait plus rien à faire, le Comte décida de quitter Mittau et de se
rendre à Pétersbourg où il y avait des choses à régler pour assurer le séjour du
Roi.
En Russie, le
Comte trouve que les choses sont changées. Paul a une nouvelle maîtresse mademoiselle
Lapoukhin. Il est le protecteur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Le Comte est
reçu sèchement par Paul, lequel accorde de mauvaise grâce les demandes adressées au nom de Louis XVIII. Le Comte repart
pour Mittau avec des ententes en poche : traitement de sa Majesté Très-Chrétienne
de deux cent mille roubles par an, payable aux six mois ; mesures pour la solde des
gardes du corps et l’entretien du château.
La santé de
madame de Saint-Priest s’était rétablie, et le Comte espérait la faire venir en
Courlande. Surprise : Bonaparte s’empare de Malte.
Paul en est très fâché et prend le titre de grand-maître ; on lui reproche de
déposséder ainsi l’ancien grand-maître. Louis XVIII propose la réunion de
l’ordre de Saint-Lazare à celui de Saint-Jean de Jérusalem. Paul étant insatiable
de décoration demande aussi l’ordre du Saint-Esprit; on le lui envoie. À son tour,
Paul octroie le collier de Saint-André à Louis XVIII.
Saint-Priest
a le titre de ministre de la Maison du Roi. Le rôle que joua le Comte dans le mariage de
madame Royale avec le duc d’Angoulême indisposa fortement Bonaparte. Tout ce qui
empêchait l’extinction de l’ancienne dynastie devait choquer Bonaparte.
Il empêcha le Comte de rentrer dans sa patrie, le mettant sur toutes listes
d’exception.
En Russie, le
cabinet de Paul changeait de mesures à tous moments, dit le Comte. Vienne et Londres
avaient trouvé un moment propice pour l’amener à participer à une coalition contre
la France – les succès de son général Souwarov. C’est alors que Paul se
prit de passion pour Bonaparte et se brouilla avec Vienne et Londres. Après cela, le
Comte crut que le Roi devait s’approcher de l’Italie. Paul ne demandait
d’ailleurs pas mieux que de débarrasser de Louis XVIII.
Les deux fils
du Comte quittèrent la Russie, en disgrâce sous Paul. L’aîné fut pris par le duc
d’Angoulême, l’autre fut envoyé à Vienne.
Le Comte part
pour Vienne au début mai 1800, avec madame de Saint-Priest, souffrante et affaiblie. Ils
passent par Wilna, où le titulaire de sa starostie vient de mourir – terre de
Lithuanie reçue de Paul et dont le revenu était de mille ducats.
Puis
c’est la Bataille de Marengo : la face de la France est changée, celle de
l’Europe ne tardera pas à subir le même sort. La République remporte d’autres
succès. La cause de Louis XVIII est perdue en Allemagne.
Le voyage du Comte n’a plus de but ; avec madame et Armand, il se rend
aux bains à Teplitz, en Bohême.
L’hiver
se passe à Dresde, à un moment agréable ; Emmanuel y vient.
Le Roi
rappelle Saint-Priest à Mittau. Malgré son désir de lui être utile, le Comte ne peut
accepter. Il donne ses raisons : son âge et la santé de madame de Saint-Priest. Par
conséquent, il demande au Roi sa retraite définitive.
Le chargé
d’affaires de la République à Dresde est M. de la Valette, marié à une
Beauharnais. Madame de la Valette était la cousine germaine de la comtesse de Barral,
née Beauharnais comme elle, et parente du Comte au même degré.
Malgré cela, le comte ne crut pas devoir se mettre rapport avec cet agent.
Louis XVIII
reçoit de Paul l’ordre de quitter Mittau le 21 janvier, Paul voulant plaire à
Bonaparte. Louis XVIII trouve temporairement refuge à Varsovie.
Quant à Paul
1er, il est attaqué le 15 mars au palais Michel, et sa mort, annoncée
le 24 mars 1801. Le nouveau règne est favorable aux fils de M. de Saint-Priest,
puisqu’ils avaient été attachés au grand-duc Alexandre, lequel monte alors sur le
trône. Emmanuel est nommé colonel, le cadet, lieutenant, dans le régiment des gardes
dont ils avaient déjà fait partie.
Madame de
Saint-Priest voulait retourner en Suède, sa santé déclinait. Le Comte avait acheté non
loin de Stockholm, près du lac Malar, une jolie maison de campagne.
Ils partent passant par Berlin, Stralsund, Stockholm. L’été, ils sont à leur
maison. Le roi Gustave était alors aimé de ses sujets. Le comte Kotchoubey demande à
Saint-Priest de sonder les sentiments de Gustave IV à l’égard de la Russie: Gustave
répond qu’il n’entreprendra rien contre ses voisins, mais se souffrira pas
d’empiètement de leur part.
La Russie va
soutenir l’Autriche dans la guerre contre Bonaparte. Emmanuel y participe et Louis
(dix-sept ans) sert sous son frère.
Après trois
ans à Varsovie, Louis XVIII est forcé de trouver un autre endroit à cause de ceux qui
voulaient ménager Bonaparte. L’Empereur Alexandre accorde à Louis XVIII un
asile temporaire à Mittau. Bonaparte fait à l’époque des gains : premiers
combats entre les Russes et les Français. Emmanuel et son frère sont grièvement
blessés à la bataille de Guttstadt; ils survivent et arrivent à Mittau, où ils sont
soignés, logés et nourris au frais de Louis XVIII.
En raison des
victoires de Napoléon et des conditions imposées par celui-ci, Louis XVIII ne peut
plus rester à Mittau. Où aller ? Tout le continent est la proie de Bonaparte. Soudain,
le roi de Suède ose se déclarer contre le vainqueur de l’Europe. Il presse Louis
XVIII de venir le joindre à Stralsund. Puis, à leur rencontre au port de Carlscrona, ne
pouvant plus secourir Louis XVIII, Gustave IV lui recommande de se retirer en Angleterre.
C’est là que Louis XVIII attendra son retour en France.
Retraité
Le comte de
Saint-Priest reste en Suède après la mort de sa femme en 1807.
Ensuite, il
séjourne pendant deux ans à Genève, avec ses filles, la marquise de Saint-Victor et la
marquise Dax d’Axat.
En 1811,
Bonaparte exige que le Comte quitte le territoire de l’Empire : la campagne de
Russie va commencer. Malade le comte de Saint-Priest doit partir en janvier 1812 ; il
va à Vienne, provisoirement.
Les fils
combattirent pour la Russie. Emmanuel fut tué en Champagne.
À la
Restauration, le Comte ne vit Louis XVIII que trois mois après son retour en France.
Durant les Cent Jours, monsieur de Saint-Priest resta paisiblement à Évreux.
À
quatre-vingts ans, très sourd, il fut porté sur la liste des pairs que proposa le
cabinet Talleyrand. Il quitta Paris et alla habiter sa terre près de Lyon, où il vécut
six ans, avant de mourir le 26 février 1821, à Lyon, « dans la maison de
Moidière, place Bellecour ».
Catherine
II avait vu juste (mais pas assez loin, semble-t-il), pensant que, après la période de
désordre, on souhaiterait le retour des Bourbons. Aussi le Comte a-t-il pu avoir la
grande consolation (historiquement temporaire pour nous) de mourir pendant la
Restauration.
Membre
et chef d'une famille
Nous
avons regroupé ci-dessous des renseignements sur la famille et les biens de M. de
Saint-Priest afin de faciliter le travail de ceux qui s’intéressent
particulièrement à ces aspects.
Parentèle
immédiate
François-Emmanuel
Guignard, comte de Saint-Priest, est né le 12 mars 1735, à Grenoble, de Jean-Emmanuel
Guignard, vicomte de Saint-Priest et d’une demoiselle de Barral, famille ancienne en
Dauphiné.
Il dit que son père, renommé comme magistrat, a toujours été généreux pour ses
enfants.
En
1750, François-Emmanuel
Guignard trouve
à Versailles deux parents : l’abbé de Barral, son oncle maternel, aumônier du roi,
et le comte de Verceil, lieutenant des gardes du corps de quartier.
Le
cardinal de Tencin, archevêque de Lyon était l’oncle du comte de Saint-Priest.
Le
marquis de Jons était le cousin germain de François-Emmanuel, du même nom que lui, chef
de la branche cadette de la famille.
En 1774, à
quarante ans, François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest, se marie ; son frère
n’avait alors pas d’héritier mâle ; il épouse
mademoiselle de Ludolf, fille du comte de Ludolf.
Après huit
ans à Constantinople, le Comte obtient le congé demandé à Vergennes. Un fils est
né en 1775. Se rendant en France, la jeune famille Saint-Priest perd malheureusement cet
enfant : l’inhumation se fait en Sardaigne.
Vers 1776,
François-Emmanuel obtient pour son frère le chevalier, le don d’une galère qui lui
assurait le don d’une commanderie.
Le
11 octobre 1777, madame de Saint-Priest accouche de sa première fille.
Lorsque
François-Emmanuel part pour Constantinople en 1778, sa femme, son frère le chevalier de
Saint-Priest et le comte d’Entraigues, son neveu, l’accompagnent.
Arrivée en Turquie, madame de Saint-Priest va rejoindre ses parents à la campagne.
Quatre
ans après, c’est la naissance de sa seconde fille, Anastasie. L’année
suivante, en 1782, naquit Armand, dernier des enfants que les Saint-Priest ont eus en
Turquie.
Au
départ définitif de Constantinople, en 1785, madame de Saint-Priest quitta ses parents
pour ne plus les revoir.
En
juin 1785, le Comte apprend que son père est gravement malade ;
il se rend à Montpellier. Le père meurt le 18 octobre 1785.
En
décembre 1788, Saint-Priest visite sa mère à Montpellier, avant d’entrer en
fonction au Conseil d’État ; c’est sa dernière entrevue avant la mort de
celle-ci.
Le
2 décembre 1789, madame de Saint-Priest accouche d’un fils au Louvre ; le Roi
et la Reine acceptent de servir de parrains.
Saint-Priest
obtient la nomination de l’abbé de Bovet à l’évêché de Sisteron, cousin
germain de son père.
En 1791,
Saint-Priest avait six enfants en bas âge. Sa fille aînée, s’était mariée au
début de 1791, à treize ans et demi : son beau-père était le marquis de
Saint-Victor. Emmanuel et Armand, ses deux premiers fils étaient à Heidelberg.
L’aîné avait quinze ans. Louis, le troisième fils, était chez sa nourrice et
les deux filles cadettes, à Montpellier, auprès de madame de Bocaud, sœur de M. de
Saint-Priest.
Encore en
1791, le Comte part pour la Suède, où son beau-frère, le comte de Ludolf, est ministre
plénipotentiaire de la Cour de Vienne.
Emmanuel,
fils aîné, va en Suède en 1793, il a seize ans. Il est envoyé en Russie,
où il est officier dans le corps des cadets de l’artillerie. Armand, dix ans, rentre
en France.
Saint-Priest
nous dit aussi que sa sœur aînée était à Rome – vers 1796.
M.
de Saint-Priest nous apprend que la comtesse
de Montaut
était sa cousine germaine, par son mari, cousin germain de la mère du Comte. Cette
comtesse n’a laissé qu’une fille, la vicomtesse de Gontault, mariée au vicomte de Gontault.
Vers
1800, le chargé d’affaires de la République à Dresde est M. de la Valette,
marié à une Beauharnais. Madame de la Valette était la cousine germaine de la comtesse
de Barral, née Beauharnais comme elle, et parente du comte de Saint-Priest au même
degré.
En 1802,
Emmanuel et Armand reçoivent la permission d’aller en France voir leur parenté. Au
printemps 1803, les enfants arrivent en Suède avec Louis, le troisième fils, treize
ans ; après, ses frères repartent pour la Russie.
Saint-Priest
parle du mariage de sa seconde fille avec le marquis Dax d’Axat, noble et ancienne
famille d’Allemagne. La sœur du Comte, veuve d’un homme du même nom, lui
assurait toute sa fortune. (Le
16 mars 2007, je recevais de F.D.A. l'information suivante : cette origine allemande
est en fait médiévale ; il faut aussi savoir que la famille Dax d'Axat se trouve
tout de même au Languedoc depuis 1330.)
Ensuite,
Saint-Priest séjourne pendant deux ans à Genève, avec ses filles, la marquise de
Saint-Victor et la marquise Dax d’Axat.
En 1804, la
troisième fille épouse le marquis de Calvière, bon gentilhomme du Languedoc, d’une
famille très fidèle, destiné à une belle fortune.
Armand
épouse la princesse Sophie Galitzin, demoiselle d’honneur de l’impératrice,
riche et d’une très illustre naissance. Ce mariage se fait dans les deux
églises : catholique et grecque. Ce fils est nommé gentilhomme de la chambre. Plus
tard, il sera gouverneur de plusieurs grandes provinces.
Le comte de
Saint-Priest reste en Suède après la mort de sa femme en 1807.
Dans ses Mémoires,
Saint-Priest ne donne la parole qu’à un seul de ses enfants, à Kiew. Le Comte dit
qu’il est avec son fils Emmanuel : « Kiew est une ville de sanctuaires pour les
chrétiens russes ; j’en visitai les catacombes où sont les corps de leurs
saints, ce qui attire la dévotion des gens du pays. On en montrait les reliques entières
dans des espèces de caves. “ Quelques-uns, dit le moine qui nous conduisait,
s’y étaient fait murer de leur vivant, et on n’en voyait que la
tête. ” Mon fils demanda à ce religieux s’il ne se sentait pas appelé à
un pareil dévouement, il répondit que cela avait été défendu. »
C’était vers mars 1796.
Biens
Après
sa mission diplomatique du Portugal, M. de Saint-Priest dit que jusqu’alors sa
fortune se bornait à un peu de mobilier, mais qu’il n’avait encore aucune
propriété;
il parle même de manque absolu de fortune. Pourtant, le Comte parle aussi de ses trois prieurés, dont un
au Poitou,
près du Ruffec, propriété du comte de Broglie.
Vers
1785, le Comte décide de vendre sa terre de Normandie, trop éloignée de ses possessions
en Dauphiné.
En
juin 1785, madame de Saint-Priest va attendre sur la terre du frère du Comte, près de
Grenoble.
Encore vers
1785, avec Armand, son second fils (3 ans), Saint-Priest arrive à Olivet, terre de son
frère, à quelques lieux de Grenoble. Le Comte explore les terres
qu’il avait acquises de son père et qu’il affermait. Grenoble est la ville
qu’habitait la famille de sa mère, nous dit le Comte. Il visite la vallée de
Grésivaudan afin d’y voir les forges d’Allevard, appartenant au comte de
Barral, son cousin germain. De Grenoble, François-Emmanuel va à Saint-Priest, où il
avait acquis, depuis la Turquie, la terre de Mari qui joignait celle de son nom et, plus
loin, la baronnie de Jons, possédée par l’abbé de Jons, cousin germain du côté
paternel. Ces trois terres, y compris celle de Saint-Priest (qui lui était alors
substituée, et ensuite lui a été échue), lui donnaient un revenu de 40 000 livres
de rente.
Il songeait à s’y établir, dit-il, avec sa femme en bâtissant un logement
convenable, car le château de Saint-Priest avait, selon le Comte, des défauts
essentiels : manque d’eaux, mal boisé et sujet aux vents les plus
impétueux ; importunité de voisins demandant que M. de Saint-Priest intercède en
leur faveur.
Saint-Priest
décide de s’établir à Paris. Il mène d’abord sa fille aînée, âgée de
huit ans, à Montpellier ; elle avait
jusqu’alors été au couvent à Lyon. C’est ensuite le départ pour Paris avec
madame de Saint-Priest et Armand. En 1786, le Comte achète une maison dans le haut du
faubourg Saint-Honoré ainsi qu’une maison de campagne dans la paroisse de Ris, sur
le bord de la Seine, avec jardin ou parc de trente arpents, près du chemin de
Fontainebleau.
Peu
avant la prise de la Bastille, Saint-Priest est renvoyé du Conseil ; il écrit
qu’il part aussitôt avec sa femme pour sa maison de campagne de la Briqueterie,
près de Corbeil,
où étaient ses enfants.
À
ce moment-là, le Roi et la Reine étaient calomniés dans des pamphlets qui se vendaient
publiquement, les ministres aussi. C’en était au point où des ouvriers à la maison
de Saint-Priest à Paris, auxquels il donnait du travail, lisaient des libelles contre lui
à l’heure de leur repas.
Peu après la
prise de la Bastille, le château de Jons, sur le bord du Rhônes, et qui appartenait à
François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest fut incendié. Le consul de la
communauté y mit lui-même le feu. Le Comte ajoute qu’il s’en fallut de peu
que le château de Saint-Priest n’éprouvât le même sort ; celui-ci appartenait
alors au frère aîné de François-Emmanuel.
Le
Comte part pour Vienne au début mai 1800, avec madame de Saint-Priest, souffrante et
affaiblie. Ils passent par Wilna, où le titulaire de sa starostie vient de mourir –
terre de Lithuanie reçue de Paul et dont le revenu était de mille ducats.
M.
de Saint-Priest possédait vers 1801, non loin de Stockholm, près du lac Malar, une jolie
maison de campagne.
En 1821,
François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest décède à Lyon, « dans la
maison de Moidière, place Bellecour, où était son domicile à ce moment-là.
Guignard,
le patronyme
Monsieur de
Saint-Priest dit qu’il descend d’une « vieille famille en
Dauphiné » et que la terre de Saint-Priest était dans sa famille depuis plusieurs
siècles ; il dit aussi que son patronyme est Guignard. Il ne parle pas d’autres
branches très anciennes liées à ce patronyme. Nous le ferons ici.
Il convient
d’abord de signaler ce Guygnart/Guignard occulte de la franc-maçonnerie odiniste de
Chartres – mouvement non catholique. Maurice Guignard décrit comme suit une
partie du costume du grand-maître de la Loge : « Sa robe est ceinte de l’étole
odiniste ou Lindi et sa bordure est garnie de Rose-Croix. Les runes A.M.D.G. ornent son
bonnet et sa robe. »
Il est dit que l’odinisme a permis de fonder l’école de Chartres, laquelle
comportait deux sections : l’école épiscopale, très célèbre au Moyen-Âge,
et le séminaire odiniste. À l’école épiscopale s’enseignaient la théologie,
la philosophie, le latin, le grec et les sciences naturelles. Au Séminaire,
s’enseignaient la magie odiniste et druidique, les mathématiques, l’astronomie,
le magnétisme, l’alchimie et l’architecture. Maurice Guignard nous apprend
aussi que maître Jehan Guignard, tabellion et grand-maître de la Loge, fut le parrain
odiniste d’Ignace de Loyola. C’était donc vers 1500. Quoi qu’il en
soit, les intéressés trouveront des archives à Chartres.
Passons
maintenant à la région de Pithiviers. Dans un des ses ouvrages généalogiques, Ludovic
Guignard de Butteville
parle de Hugues Guignard, qui accompagna Saint Louis lors de sa dernière croisade, soit
en 1269 et 1270.
Il dit que Laîné, dans sa Généalogie des Guignard de Saint Priest, signale des
Seigneurs de Montguignard, du Gâtinais Orléanais. Pierre-Alexandre de Montguignard
était Grand Fauconnier de France ou
Maître de la Fauconnerie sous Philippe le Bel, Louis X dit le Hutin, Philippe V et
Charles IV le Bel (de 1313 à 1322). Catherine
Guignard, prieure de Poissy en 1351, était membre de la branche des Seigneurs de
Montguignard. Il mentionne également le nom de Jean Guignard, chevalier, écuyer de Du
Guesclin vers 1370 ; il était le fils de Pierre-Alexandre Guignard, Seigneur de
Montguignard.
Les
Montguignard étaient donc de l’époque de Philippe Lebel. Ils ont sans doute vécu
la grande crise sociale entourant l’affaire des Templiers. Maurice Druond, dans Les
Rois Maudits,
fait dire à Charles de Valois que la
condamnation du grand-maître Jacques de Molay
marque rien de moins que la fin de la chevalerie.
En dernier
lieu, nous nous tournons vers la Bourgogne et aboutissons à une Guignard du chapitre
noble de Château-Châlons, au IXe siècle. Dunod de Charnage
l’aurait signalée dans son Histoire de Bourgogne, de même que Saint-Allais
dans son Dictionnaire de la noblesse. Cette femme demeure très mystérieuse ;
nous manquons toujours d’information sur sa famille immédiate.
Bien entendu,
même aujourd’hui, en dépit de tout ce que nous ont laissé les chercheurs, il est
encore impossible de préciser tous les liens de parenté pouvant exister entre ces
personnes unies par le même patronyme, y compris les lignes d’Amérique.
L’optimisme se justifie : chaque année apparaissent de nouveaux renseignements.
Des outils inespérés sont aussi à notre disposition. Il semble clair que, pour le
meilleur et pour le pire, la génétique éclaircira de nombreux dossiers.
Enfin, il
convient de commenter ici certaines explications relatives à l’origine du nom de
famille « Guignard ». Même si Ludovic Guignard affirme que le patronyme vient
de la langue bretonne, notamment, de « gwenaer » ou de « gwinaer », termes qui
correspondent en français à « piqueur », vous trouverez, même dans
de la documentation récente, que
« Guignard » vient de l’allemand, à savoir de « Guignebert »
ou « Guinebert ». Bien qu’il faille hésiter face à ces hypothèses, il
ne faut pas douter d’une chose. Toute explication crédible sur l’origine du
patronyme doit logiquement reposer sur des faits linguistiques antérieurs au IXe
siècle, et ce, en raison de l’existence de la religieuse de Château-Châlons.
Style
de l'homme et de l'auteur
Dans
ce qui précède, vous avez déjà été à même de percevoir certains traits de la
personnalité de François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest. Ce qui pourra frapper
pendant la lecture des deux tomes des Mémoires, c’est cette présence
étonnante ; le Comte semble toujours si vivant et lucide. Sa sincérité est
exceptionnelle, parfois désarmante, voire brutale, et son œil très averti. Voici
des exemples par ses textes.
Premier cas.
Le Comte réagit aux inexactitudes d’un historien : « Je lis Lacretelle à la
fin de ma carrière, assis dans un bon fauteuil, sous le toit que m’ont transmis mes
pères, entouré des soins de mes filles, de mes amis, et apercevant de mes fenêtres une
vue à la fois magnifique et riante ; aussi passerai-je sur les récits mensongers de
M. de Lacretelle sans m’y arrêter, et me contenterai-je de lui opposer la relation
véritable de l’événement qu’il défigure. »
Deuxième
cas. Saint-Priest décrit plutôt sans détour la Dauphine (Marie-Antoinette) et le
Dauphin (futur Louis XVI) :
La
Dauphine : « Cette princesse était grande et bien faite, un port de reine, le teint
admirable, le pied et la main charmants, l’ensemble de sa personne agréable, sans
cependant des traits distingués de beauté. Elle avait de la facilité et de la grâce à
s’énoncer, mais, dans le fond, peu d’instruction ; aucun goût pour la
lecture et écrivant mal, tant en caractères qu’en diction. C’est l’abbé
de Vermond qui faisait ses lettres et il s’en acquittait fort bien ; mais
lorsqu’elle s’en sépara et qu’elle fut réduite à elle-même, on vit
qu’elle avait bien peu profiter de ses instructions. »
Le
Dauphin : « La tournure du jeune Dauphin, son époux, était tout à fait
l’opposé de celle de la Dauphine. Une
figure insignifiante, des manières maussades, un rire bruyant, une démarche lourde et
incertaine, aucune facilité à s’énoncer ; à tout cela étaient joints une
instruction assez profonde tant en sciences qu’en littérature, de l’application
et du goût pour la lecture, des connaissances mécaniques et tout ce qu’on peut
désirer dans un jeune homme dépourvu d’agrément. »
Troisième
cas. M. de Saint-Priest, temporairement en disgrâce, tente de redresser la situation et
traite d’aspects techniques, écrivant à la manière de son temps : « Je vis
qu’il fallait attendre et, sans renoncer entièrement à l’intention
d’entrer dans la carrière politique, je
sentis bien qu’il n’en pouvait être question tant que Vergennes serait
ministre. Il était alors occupé de terminer la querelle que l’empereur Joseph avait
faite aux Provinces-Unies, relativement au cours de l’Escaut, dont il exigeait
l’ouverture contre le texte du traité existant sur ce point ; ce prince crut
que le gouvernement hollandais n’oserait pas tirer sur le pavillon impérial, ce qui
arriva cependant par la connivence de Vergennes, qui s’entremit ensuite pour un
accommodement entre les deux puissances. »
Quatrième
cas. Le Comte, vieux routier mondain, se tire d’une situation délicate avec
Paul 1er de Russie et l’Impératrice : « Un jour, encore à
dîner, l’Impératrice me demanda si j’avais servi. Je lui répondis que
j’étais lieutenant-général des armées du Roi. “ Comment, reprit-elle en
jetant un regard sur l’Empereur, comment avez-vous quitté ce beau métier pour la
politique ? ” Il faut savoir que, deux jours auparavant, Paul avait tenu le
même propos au ministre de Prusse. L’Impératrice, pour plaire à son mari,
saisissait toutes les occasions de s’exprimer comme lui. Piqué de cette remarque, je
lui répondis qu’un fameux jurisconsulte avait soutenu en latin que les armes
devaient céder à la politique. “ Bon ! reprit l’Empereur, ce sera
l’avocat Pathelin. – Non, Sire, mais Cicéron. ” Cette réplique partit
comme un éclair ; tous les assistants furent abasourdis de ma hardiesse. Mais, par
un hasard singulier, l’Empereur ne m’en sut pas mauvais gré. »
Cinquième
cas. Après l’affaire Bonne Savardin qui avait « dépopularisé »
Saint-Priest, celui-ci dit au marquis de la Côte, ami de Lafayette : « Dites
à Lafayette que je ne l’aime ni ne l’estime. »
CONCLUSION
Voilà donc
une partie de ce que nous a laissé ce grand-père qui a décidé de se présenter
« en robe de chambre » – expression
d’Alexis Guignard, comte de Saint-Priest, membre de l’Académie française, élu
en 1849.
Ci-dessous
paraît le tombeau de M. de Saint-Priest, au cimetière de Lyon en février 2002.

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