Home Up Contents Search

Product 1
Product 1 Product 2 Product 3 Product 4

 

Dignard
Eginhard

 

Genealogy

The Corporation has a niche.  The President is a DIGNARD (GUIGNARD) and has personally researched the family issue.

Généalogie

L'entreprise a son créneau. Le président est un Dignard (Guignard) et il est bien documenté.

 

 

INFORMATION SUR DES GUIGNARD DE FRANCE

 

Im000153.jpg (63813 bytes)

 

C'est en 1999 que prirent fin les grands travaux de rénovation du château.

Il faut noter que les résidences principales des Guignard de Saint-Priest furent à Lyon et à Montpellier.

En 1793, le château comptait soixante pièces.

Il servit de prison pour officiers allemands au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

 

Vue du haut vers le bas de l'escalier constuit par les Guignard au château de Saint-Priest.jpg (1181434 bytes)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'escalier d'honneur fut construit par les Guignard vers 1660.

 

im000014.jpg (354677 bytes)

Ci-dessus se trouve l'une des entrées ; c'est maintenant une pièce
supplémentaire, car l'espace est sous verrière.

 

Autres photos du château de Saint-Priest

 

Exposé rédigé pour le 17 février 2002

et partiellement présenté au château de Saint-Priest

par 
Gilles Dignard

(Nota : les droits de l'exposé sont cédés au Cercle Iulius Victor, de Saint-Priest)

Objet : François-Emmanuel Guignard, chevalier, comte de Saint-Priest (1735-1821)

Mesdames, Messieurs, 

Je tiens d’abord à dire que je suis très touché par les résultats des efforts déployés par les autorités de Saint-Priest, le Cercle Iulius Victor et tous ceux qui les ont aidés à conserver et à rénover le château de Saint-Priest, ce bien du patrimoine. Avec une approche hardie, vous avez fait cohabiter les valeurs du passé et du présent, mettant le tout au service de l’avenir. Je sais particulièrement gré à Lucien Charbonnier d’avoir eu l’idée de m’inviter à Saint-Priest à l’occasion de ce week-end scientifique et culturel. J’avais bien eu l’intention de visiter un jour Saint-Priest, mais sans avoir imaginé le faire dans des circonstances aussi agréables : je me trouve à l’endroit même où séjournèrent plusieurs générations de Guignard à compter de 1645 (la vente aux enchères du château remonte à 1842), et ce, à quelques jours du 12 mars, date de naissance de ce François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest, dont je vous parlerai aujourd’hui. Pour des raisons mystérieuses, le destin semble le signaler à mon attention puisque, comme lui, je suis né un 12 mars.  

J’écoutais récemment l’enregistrement en langue anglaise de l’ouvrage de Henri Troyat sur Catherine II de Russie[1]. Un passage m’a frappé. Vous n’ignorez sans doute pas que Catherine II avait son côté mante religieuse (M. de Saint-Priest dit bien qu’elle avait « le faible de ne pouvoir se passer d’amant[2] »). Elle venait de mettre un terme à ses relations avec Orlov et de découvrir, comment dire, les charmes discrets de Potemkine. Voilà que les deux hommes se rencontrent dans un escalier à l’entrée du palais : Orlov en part et Potemkine y arrive. Potemkine prend la parole et demande à Orlov ce qui se raconte à la Cour ; Orlov lui répond alors à peu près ceci :  rien si ce n’est que je descends et vous montez. 

Puisque nous traitons ici d’histoire et de généalogie, il nous est impossible de ne pas remarquer que ce qui vaut pour les relations entre les personnes vaut également pour les familles, les pays, les empires, de même que pour les systèmes économiques, religieux, philosophiques : combien de fois avons-nous pu constater qu’une période de faveur était suivie d’une autre de défaveur ! 

En ce qui concerne la France, tant d’histoires plus ou moins vraies ont été racontées, il y a eu tant de propagande et de fiction que nous ne savons parfois plus à quoi nous en tenir. C’est alors que nous nous réjouissons de pouvoir accéder aux témoignages de personnes ayant été directement mêlées à certains faits, quitte à faire, au besoin, la part des choses et de parvenir à une opinion mieux éclairée à l’aide d’autres documents. Travaillant scientifiquement, nous n’avons pas à être pour ou contre les faits ; notre devoir consiste à les respecter. Nous nous laissons ensuite porter, guider par eux. Cela n’empêche toutefois pas quelqu’un d’éprouver de l’émotion et de formuler des commentaires. 

Ce sont les deux volumes des Mémoires[3] de François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest, qui serviront de base au présent exposé. Ceux qui sont déjà victimes d’une surdose d’information pourront donc trouver dans le présent condensé les éléments essentiels de l’ouvrage de Saint-Priest, ce qui leur permettra de reporter à plus tard la lecture des Mémoires. Soit dit en passant, nous avons respecté l’orthographe de M. de Saint-Priest en matière de noms propres.   

Il importe de souligner que le Comte dit de cet ouvrage qu’il est « l’amusement de sa vieillesse ». Il ajoute qu’il fut forcé de se fier partiellement à sa mémoire, ayant malheureusement perdu de précieux documents qui furent brûlés lors de la Terreur, notamment de la correspondance avec Louis XVI. Somme toute le Comte dit qu’il peut avoir commis des erreurs de date, oublié ou omis de mentionner des choses, mais il nous demande de « ne pas douter de la vérité des faits et de l’impartialité de son jugement ».  

Le Comte indique que ses Mémoires couvrent soixante-cinq années de sa vie, c’est-à-dire de 1750 à 1815.

 

 

Homme du monde

 

Le jeune François-Emmanuel fit ses études dans divers collèges des Jésuites, les termina à Paris en 1749 : il n’avait pas encore quinze ans.

Il devint chevalier de Malte (à quatre ans).

Il fut aussi chevalier de Saint-Jean de Jérusalem.

En Angleterre, il fut fait docteur honorifique en droit d’Oxford.

La Russie en fit un membre de l’ordre de Saint-André ainsi que du second ordre le l’Empire : Saint-Alexandre Newski.

En 1815, il devint pair héréditaire de France ; son éloge fut prononcé par le comte de Sèze, à la Chambre des pairs, le 2 mai 1821[4].

 

Militaire, diplomate, agent secret, ministre, exilé, le Comte semble posséder des renseignements personnels sur un nombre prodigieux de personnes importantes de  son temps – il vous suffira de consulter l’index des Mémoires pour en avoir une meilleure idée.

Vous verrez ci-dessous une liste des personnages avec lesquels le Comte eut des échanges personnels.  

Nous commençons par les rois de France : Louis XV, Louis XVI et Louis XVIII ; à cela, il faut ajouter les Reines et d’autres membres de la famille royale immédiate.

Pour le reste de la liste, nous vous signalons les noms dans l’ordre où ils furent relevés dans les Mémoires : madame de Pompadour, le comte de Broglie, le comte Branicki, le marquis de Castries, le prince de Beauvau, la Reine-mère Élisabeth, épouse de Philippe V, Charles III, le Roi du Portugal, le duc de Choiseul, la duchesse de Grammont, sœur de Choiseul, madame du Barry, le cardinal Constantin de Rohan, le prince de Kaunitz, l’impératrice Marie-Thérèse et Joseph II, Vergennes, le Grand Seigneur en Turquie, le duc d’Aiguillon, le prince Nicolas Repnin, l e Grand-Maître de Rohan, le baron de Staël, la duchesse de Polignac, le comte de Montmorin, la duchesse de Grammont, l’archiduchesse Christine, sœur de la Reine, la princesse d’Orange, le comte Nicolas Romanzov, Necker, le maréchal de Beauvau, le duc de Nivervois, le comte et la comtesse d’Artois, le comte de Puységur, Lafayette. Le duc de La Rochefoucauld, les archevêques de Bordeau et de Vienne, le comte de La Tour du Pin, le comte de La Luzerne, le comte d’Estaing, Mirabeau, le comte d'Argenson, le duc et la duchesse du Châtelet, le duc de La Vauguyon, le maréchal de Broglie, Georges III d’Angleterre, Catherine II, Stanislas-Auguste Poniatowski, roi de Pologne, Frédéric-Guillaume II, le baron de Staël, le comte Vorontzov, le comte Ostermann, le comte Esterhazy, le baron de Montesquiou, le chevalier de Borghèse, Christian VII, roi du Danemark, Gustave III, roi de Suède, le baron des Cars, le baron de Breteuil, le baron de Thugut, le duc d’Orléans, Zoubov, favori de Catherine II, François II d’Autriche, la princesse Louise de Condé, la princesse Marie-Thérèse de France, le duc de Brunswick, le baron de la Rochefoucauld, Paul 1er et l’Impératrice, le duc et la duchesse d’Angoulême, le duc de Raguse, le maréchal Souwarow, l’Électeur de Saxe, M. de la Valette, Gustave IV, l’Empereur Alexandre de Russie, l’Impératrice douairière de Russie.                

 

 

Militaire

 

En 1750, il a quinze ans, le jeune Saint-Priest est « inscrit dans la compagnie des Mousquetaire gris, sans en faire le service ». En même temps, il reçoit un bâton d’exempt des Gardes du corps et est nommé de service auprès du Roi. Le duc de Luxembourg est le capitaine de la compagnie des gardes où se trouve le jeune. 

Il trouve aussi à Versailles deux parents : l’abbé de Barral, son oncle, et le comte de Verceil. Le jeune Saint-Priest est alors présenté à la Cour, notamment à Louis XV, à Marie-Thérèse et à madame de Pompadour.

Il est relevé de service le 1er avril 1752 et va faire « ses caravanes », c’est-à-dire ces croisières que devait faire tout chevalier de Malte.

C’est pour le jeune Saint-Priest le début d’une série de voyages. Il part par bateau de Marseilles, en direction de Malte en février 1753. Il a l’occasion de voir la Sicile, Syracuse, la Sardaigne, Cagliari, les côtes d’Espagne, Naples, Denia (port du royaume de Valence), Majorque, Cabrera, Iviça, la côte d’Afrique (entre Tunis et Tripoli).  

Il est alors particulièrement bien traité en raison du bailli de Tencin, son oncle, lequel est un homme très important de l’Ordre de Malte. Après deux ans de Caravanes, notre chevalier revient en France, soit en mars 1755, non sans voir vu dans le golfe d’Oristano des « sauvages effrayants ». Arrivé à Toulon, il revoit ses parents au château de Saint-Priest et à Lyon, chez le cardinal de Tencin, archevêque de Lyon (cet oncle dont nous venons de parler) ; la famille part ensuite pour Paris.

Citons ici un sommaire de M. de Saint-Priest sur Malte : « La vie de Malte était molle et oisive ; on y cédait malgré soi à une apathie qui s’emparait de tous ses habitants ; ceux qui avaient l’habitude de cette existence ne voulaient plus en essayer d’autre ; on y contractait un genre d’esprit superficiel et précieux qui s’opposait au développement des forces morales. Le goût s’y corrompait aussi vite que les mœurs ; la société de Malte avait son empreinte particulière, aussi aisée à reconnaître pour des esprits exercés que celle des sociétés de province ; pour me résumer, l’occupation y était trop impossible et les plaisirs trop faciles ; c’était Chypre telle que Fénelon l’a décrite dans Télémaque[5]. »  

Le jeune Saint-Priest retrouve ses camarades des Compagnies des Gardes à Beauvais et les exercices militaires. Il dit que l’instruction était peu avancée dans la cavalerie de la Maison du Roi. François-Emmanuel rencontre aussi à Beauvais les frères Pontécoulant. Voici ce qu’il dit du plus jeune : « Le chevalier, depuis baron de Pontécoulant, différait essentiellement de son frère aîné ; moins d’avantages extérieurs, moins de dehors brillants, mais plus de tenue, plus de constance envers ses amis ; on pouvait compter sur lui pour tous les offices que l’amitié réclame. Ce fut à lui que je m’attachai de préférence ; notre liaison dura jusqu’à sa mort sans aucune interruption, sans aucun nuage, même passager ; on en verra plus d’une preuve dans le court de mon récit[6]. » 

De Beauvais, il va à Saint-Germain pour le 1er juillet, jour où le Roi passe sa Maison en revue au Trou d’Enfer.

Il y a des accrochages avec Londres, au point de déclarer la guerre. Saint-Priest va à Compiègne avec la Cour. Il y a aussi l’attentat de Pierre Damiens et le jeune Saint-Priest « bénit Dieu de n’avoir pas été de quartier ce jour-là ». 

Puis la France a des militaires qui se battent en Allemagne. La Cour revient à Versailles. Il y a descente des Anglais en Aunis. La maison du Roi part pour la Rochelle ; elle arrête à Orléans car les Anglais sont repartis.

Le Comte a alors congé : il retourne chez ses parents. Son oncle le cardinal de Tencin a quatre-vingts ans, est malade et se prépare à mourir. 

François-Emmanuel reprend son service en octobre 1758. En raison de la guerre, il faut donc « exercer aux évolutions militaires chaque compagnie des gardes du corps ». Celle du jeune Saint-Priest, la compagnie de Luxembourg, va à Orléans trois mois l’été et un mois l’hiver pour les officiers. 

À la disgrâce de Bernis, le Comte est à Choisy, auprès du Roi. 

Puisqu’il est question de Bernis, voici deux scènes remarquables des Mémoires. « Madame de Pompadour protégeait Bernis d’une manière toute particulière ; elle l’avait beaucoup connu dans sa société d’Étioles où l’abbé s’était introduit en qualité de bel esprit. Il y colportait de petits vers, de petits bouquets à Chloris. Ce rôle, qu’il jouait encore dans d’autres maisons, avait déplu au cardinal de Fleury. Le vieux ministre repoussa avec dureté toutes les demandes du jeune ecclésiastique. On connaît ce dialogue : “ Vous n’aurez jamais de bénéfice de mon vivant. –  Monseigneur, j’attendrai. ” La réponse était plaisante, le Cardinal fut étonné mais ne se vengea pas ; il se contenta de dire, en congédiant Bernis : “ Je viens de voir un petit abbé qui m’a dit mon fait.[7] ” » Le Comte y a vu un principe de sagesse dont il sut bénéficier en temps opportun : j’attendrai... 

Passons à la seconde scène. Bernis vient d’être nommé cardinal, voici ce que dit Saint-Priest. « Cet honneur tourna la tête du ministre bel esprit ; il se crut un petit Richelieu, s’avisa de se donner, comme cardinal, des airs de premier ministre et voulut même prendre rang en cette qualité. Fier de son crédit auprès de Mesdames, soutenu par Madame Infante pour lors à la Cour, il négligea madame de Pompadour qui en fut mortellement blessée. Elle le traita d’ingrat, ajoutant qu’elle l’avait tiré de la boue. “ Dites de la misère, reprit le Cardinal. Un homme de ma naissance n’a jamais pu être dans la boue. ”[8] » 

En avril, le Comte est à Amiens où il se fait la main au commandement de deux escadrons. Il est jugé employable. Le Comte écrit : « Quelque belle que soit une carrière, le point de départ est souvent puéril, insignifiant, frivole ; le hasard commence, au mérite d’achever[9]. » 

Après juin, il est de quartier auprès de Sa Majesté.  

Il y a un projet de descente en Angleterre et un combat au cours duquel le Comte dit qu’il perdit le marquis de Jons, son cousin germain. Des problèmes surgissent aussi en Allemagne, et le Comte est « impatient de voir que la Maison du Roi ne prend aucune part à la guerre ». Il se prépare donc à rejoindre l’armée : « J’étais heureux de l’avenir qui s’ouvrait devant moi ; cependant je ne pus m’empêcher de donner des regrets aux plaisirs de la Cour, du grand monde, à la société de quelques parents, de quelques amis, et surtout à la société si douce, si agréable de la présidente de Gourgues, née Lamoignon (épouse du marquis de Vayres et d’Aulnay), femme vraiment accomplie, avec laquelle j’ai été intimement lié toute ma vie[10]. ». 

Le 1er janvier 1760, c’est l’entrée de quartier, et le Comte relève du service du Dauphin. Il obtient une place d’aide-maréchal des logis de l’armée commandée par le maréchal de Broglie et dont le chef est le comte de Broglie, qui, soit dit en passant, dirigera plus tard le Secret du Roi, c’est-à-dire les services secrets. C’est le départ pour Francfort-sur-le-Mein, Gand, Cologne. Le jeune Saint-Priest est attaché au Bureau, service d’où émanent tous les ordres.

[Veuillez noter ici que, en 1760, la France perdait le Canada.]

Le Comte fait deux campagnes en Allemagne : en 1760, sous le maréchal de Broglie, et en 1761, sous le prince de Soubise ; il écrit avoir remarqué le désordre des armées françaises et les querelles des généraux. Il visite Göttingen.

Quittant l’armée où, dit Saint-Priest, il n’y avait plus rien à faire, il part pour Amiens : résidence d’un mois ; après, c’est Versailles.

Une lettre de recommandation du marquis de Castries pour le maréchal de Belle-Îsle lui permet d’espérer le brevet de colonel. Le Roi l’accorde.

Sous Choiseul, la Maison du Roi passa sous M. de Soubise. Pontécoulant et le Comte partent pour la Normandie, passent par la Hollande, vont ensuite à Düssendorf où devait se trouver le maréchal de Soubise. Le jeune Saint-Priest sert pour la première fois à la guerre avec la Maison du Roi. 

Le Comte parle ici avec un sourire de Soubise et de Broglie : « Soubise était l’ennemi du Maréchal, et Broglie n’ayant aucune disposition à l’obéissance, on pouvait dire de lui, comme disait le duc de Laval de lui-même, qu’il aimait la subordination en dessous[11]. »

Saint-Priest a ensuite congé : il part pour Montpellier. Cet hiver sera son dernier séjour prolongé auprès de sa famille jusqu’à l’émigration.

En mai, il faut aider les Espagnols contre le Portugal. Le Comte part pour Bayonne avec le prince de Beauvau, commandant de douze bataillons d’infanterie. Le voyage lui permet de passer à divers endroits : Bordeaux, les Pyrénées, Pampelune, Valladolid, Madrid, Salamanque, Ciuda-Rodrigo, Almeida, Alfaiates, Guarda, Idanha Nova, Alcantara. La campagne du Portugal prend fin le 2 novembre. Saint-Priest revient avec Beauvau par Cascaes, Madrid (où il séjourne 6 semaines), Saragosse et Barcelone. Le Comte se débrouille déjà en langue espagnole et sert dans les échanges avec les Espagnols. 

 

Diplomate et agent secret

 

À fin de la campagne de Portugal, François-Emmanuel de Saint-Priest a l’idée d’écrire au duc de Choiseul pour lui demander la place de ministre plénipotentiaire de France au Portugal. Choiseul répond qu’il y est favorable.

Quels étaient les antécédents de Saint-Priest pour accéder ainsi à la carrière diplomatique ? Il le dit lui-même : « Je n’avais d’autre connaissance en ce genre qu’un fonds d’histoire et de géographie, et j’ai vu, par mon expérience, que c’est à peu près tout ce qu’il faut, en fait d’études préliminaires, pour la diplomatie, la politique n’étant autre chose que la juste application du jugement sur les personnes et les circonstances ;  le reste est une routine qu’on ne peut guère manquer d’acquérir promptement[12]. »

En mars 1763, le Comte obtient l’assurance de sa nomination au Portugal ; le départ pour Lisbonne est prévu pour à l’automne. Il a vingt-huit ans.

Le comte de Merle s’était brouillé avec Pombal et fut rappelé, et c’est Merle que Saint-Priest allait remplacer. Celui-ci dit qu’« il s’agissait, pour le ministre de France, d’avoir une conduite sage, propre à faire oublier les imprudences de son prédécesseur et de se borner aux soins du commerce de France en Portugal, tout à fait tombé, mais susceptible de reprendre un nouvel essor[13]. »

Le baron de Pontécoulant veut  être du voyage, et le Comte en est heureux. Ils prennent le bâteau le 1er novembre 1763 et arrivent à Lisbonne le 11.  

Le diplomate Saint-Priest envoie des Mémoires annuels sur l’état du Portugal, lesquels satisfont Choiseul. Après deux ans et demi, Saint-Priest demande à Choiseul, de quitter le Portugal. Celui-ci lui propose Copenhague. Le Comte accepte ce poste, mais a oublié quelque chose. Certes Choiseul pèse lourd, mais c’est M. de Praslin qui, en fait, est ministre des Affaires étrangères, aussi celui-ci en décide-t-il autrement. Choiseul reprend ensuite le ministère des Affaires étrangères et promet à Saint-Priest une autre mission. Saint-Priest a donc congé.  

Il part 1er janvier 1767 pour l’Angleterre. À Londres, il retrouve encore son ami le baron de Pontécoulant – lequel avait passé quelques mois au Portugal. Saint-Priest rencontre également le comte de Guerchy, ambassadeur de France, ainsi que le célèbre chevalier d’Éon (homme ou femme [la question s’est posée pendant des années] membre de l’équipe du Secret du Roi). Saint-Priest a quelques notions de la langue anglaise. Avec Pontécoulant et Phipps, c’est la visite de Bath, de Bristol et d’Oxford. Au cours de ce voyage en Angleterre, il rencontre aussi madame Richard Grenville (Earl Temple, ancien ambassadeur à Constantinople), belle-sœur de Pitt.

Grâce à Phipps, ancien d’Oxford, et ami du recteur de cette université, le Comte se fait offrir le bonnet de docteur honorifique en droit d’Oxford. Le Comte exprime son angoisse à cette occasion. « M. le duc de Nivernois avait été reçu en cette qualité quatre ou cinq ans auparavant, et je cédai à cette offre. Je choisis, comme lui, la faculté de Droit. Mon inquiétude était d’avoir un discours en latin à faire, mais on m’assura que le Duc en avait composé un en cette langue que personne n’avait compris, n’étant pas prononcé à la manière anglaise. Je me disposai avec plaisir à l’imiter, étant bien peu sûr de ma latinité de collège[14]. » 

De retour en France, il lui est offert d’aller à la Cour de Suède ; ce sera pour l’année suivante.    

M. de Saint-Priest dit que jusqu’alors sa fortune se bornait à un peu de mobilier, mais qu’il n’avait encore aucune propriété. 

Choiseul lui obtient une pension de 4 000 francs. Sur le point de partir pour la Suède,  le Comte entend parler d’une proposition de Gérard, premier commis aux Affaires étrangères (il deviendra plus tard le premier ambassadeur de France aux États-Unis) : il s’agit de nommer Saint-Priest à Constantinople où il remplacera Vergennes. Le Comte se dit prêt à servir n’importe où. Il ajoute, ce qui peut paraître étrange aujourd’hui, que cette mission passait pour lucrative. 

Il doit donc faire revenir de Suède tous ses gens et ses effets et les envoyer à Constantinople. Le voyage se faisant normalement par la mer, le Comte décide néanmoins de partir par terre parce que Pontécoulant veut encore un fois l’accompagner. Ils feront un détour par Vienne, traverseront une partie de l’Europe.  

Sous Vergennes (qui passa treize ans à Constantinople), Saint-Priest dit que « la politique consistait à susciter la Porte contre l’impératrice de Russie ». Selon lui, le gouvernement local de ce temps manquait d’énergie, c’était l’ineptie militaire. Les instructions au comte de Saint-Priest lui demandaient de faire déclarer la guerre par la Porte à la Russie.  

Saint-Priest donne sa démission des Gardes du corps, obtient son brevet d’enseigne et conserve rang de colonel. 

Avant son départ, il est invité par le comte de Broglie, lequel lui remet une lettre du Roi ordonnant de communiquer au comte de Broglie toutes les instructions reçues du ministre des Affaires étrangères et de transmettre aussi à l’avenir à Broglie toutes les dépêches et ordres envoyées au Comte et les réponses de celui-ci.. « Sa Majesté exigeait le plus grand secret sous les plus graves peines. » Remis de sa surprise, le Comte répond au Roi de son obéissance. Il est donc mêlé à la correspondance secrète de Louis XV. Il faut savoir que le Secret du Roi avait débuté vers 1643[15].  

À Constantinople, le Comte relève du duc de Choiseul pour la politique, puis du duc de Praslin pour le commerce maritime. 

À Strasbourg se produit un échange comique entre ecclésiastiques. Le Comte y mange chez le cardinal Constantin de Rohan et dit ceci : « Je fus placé entre le Cardinal et un abbé d’assez mauvaise mine, que je fus étonné de voir là. Ce n’était rien de moins que l’abbé de Lorraine, oncle du prince de Lambesc, grand écuyer de France. C’est lui qui dit au cardinal Constantin : “ Vous êtes bien heureux que je sois plus bête que vous, sans quoi vous n’auriez jamais eu l’évêché de Strasbourg. ”[16] » 

Ce sont ensuite Ulm, Vienne, Semlin, Belgrade (c’est là qu’il apprend de Vergennes que la Porte a déclaré la guerre à la Russie : une partie de la mission de Saint-Priest était donc accomplie). Après, il arrive à Andrinople, puis au palais de France, « une grande et vieille baraque de bois qui tombait en ruine » et que Choiseul lui avait demandé de rebâtir. Notez aussi que la maison de campagne de l’ambassadeur se trouvait sur le canal menant à la mer Noire (à Tarabya).  

Il y eut à cette époque un accrochage entre Saint-Priest et Vergennes. Le Grand Vizir avait parlé de Vergennes avec éloge, et M. de Saint-Priest n’en avait rien dit dans sa dépêche à la Cour. Silence impardonnable semble-t-il... 

Le Comte analyse la situation en militaire : il voit des progrès chez les Russes, du recul chez les Turcs ; Choiseul désespère à l’idée d’une victoire de la Russie. 

Faisant partie du Secret du Roi, le Comte se sent obligé d’accepter une proposition d’espionnage de l’ambassadeur d’Angleterre. Cette activité rondement menée dure cinq ans. Voici la description de l’opération d’interception de la correspondance diplomatique : « Cet ambassadeur, nommé Murray (Earl of Mansfield), avait un domestique, gentilhomme polonais, avec lequel l’agent dont j’ai parlé s’entendit. Cet homme était chargé de balayer le cabinet de l’ambassadeur pendant son dîner qui ne durait jamais moins de deux heures. Ce Murray était un homme de plaisir, aimant la table qu’il n’aurait pas quittée pour l’affaire la plus importante ; ce domestique, qui avait l’air d’un niais, ouvrait, chaque jour de courrier, avec une fausse clef, le tiroir où l’ambassadeur mettait les dépêches reçues et ses réponses ministérielles ; il les apportait au Polonais pour me les remettre, et comme je sais la langue anglaise, je faisais rapidement l’extrait de toutes les pièces. Ensuite, l’homme allait les replacer dans le tiroir avant la fin du dîner de l’ambassadeur[17]. » 

Après la percée des Russes, le Comte envisage sérieusement la possibilité de la chute de l’Empire ottoman. Nous apprenons qu’il examine même des débris pouvant convenir à la France. L’Égypte, lui semble le pays le plus riche, le plus aisé à conquérir et le plus facile à garder. La France est  sans rivale dans cette région. Tout ce qui est cultivé en Amérique s’y trouve, dit-il. Les esclaves noirs, sont dix fois meilleurs marché qu’en Amérique (ajoutons ici que cet atout fait pâlir aujourd’hui ; il est bien clair que, sur ce point comme sur certains autres, le Comte réagit en homme de son temps). Le Comte voit aussi dans cette conquête un grand avantage pour le commerce de l’Inde. Il rédige un mémoire et l’envoie à la Cour. La France ne décide pas de profiter de cette situation. 

Choiseul et le duc de Pralins, son cousin, sont renvoyés fin 1770. Six mois s’écoulent avec le duc de la Vrillière aux Affaires étrangères par intérim. Le Comte écrit qu’il ne reçoit aucune dépêche d’affaires pendant cette période. C’est enfin le duc d’Aiguillon qui obtient les Affaires étrangères. 

Le Comte dit qu’il parlait sans cesse à la Porte de l’indiscipline, de la mauvaise constitution des troupes, de l’insuffisance de son artillerie et de ses autres armes, de même que de l’ignorance de ses généraux. Saint-Priest s’efforce d’aider la Porte, avec l’aide du baron de Tott.  

En 1771, la Russie en a marre de cette guerre devenue sans objet. En outre, depuis le départ de Choiseul, la France insiste beaucoup moins sur la continuation de la guerre. 

Sous d’Aiguillon, c’est la recherche de la conciliation ; une correspondance amicale se rétablit entre la France et la Cour de Pétersbourg[18]. En 1772, c’est l’échec de la conciliation. En 1773, les hostilités recommencent, les Turcs reprennent un peu l’avantage. Le Comte réussit à faire libérer le prince Repnin (un tableau de Casanova rappelle cet épisode). Repnin passe ensuite un mois au palais de France ; les deux hommes seront amis pour le reste de leur vie.  

Louis XV meurt peu avant la paix de Koutchouk-Kainardji. Vergennes devient ministre des Affaires étrangères. 

En 1774, M. de Saint-Priest épouse à Constantinople mademoiselle de Ludolf, fille du comte de Ludolf.     

En 1774, c’est aussi la paix des Tucs – paix de Kainardji. L’ambassadeur de Russie est dorénavant un Repnin. La guerre profite finalement à la Russie. 

Après huit ans à Constantinople, le Comte obtient le congé demandé à Vergennes. Un fils est né en 1775. Le Comte veut paraître à la Cour, voir le nouveau Roi. Chemin faisant, Saint-Priest s’arrête à Malte, où son jeune frère fait ses caravanes

Chemin faisant, la jeune famille Saint-Priest perd malheureusement son enfant. 

C’est ensuite Toulon, Marseille, puis Montpellier où le Comte voit sa famille. Il arrive finalement à Paris et exprime son désir de changer d’ambassade. 

Au fait, il arrive que le comte d’Adhémar voulait Constantinople. Le comte de Saint-Priest lui parle de ses conditions : il veut la première grande ambassade disponible : Rome, Madrid ou Vienne, une augmentation de traitement et une place de conseiller d’État d’épée[19]. Certains virent là une intrigue et l’affaire tourna mal. Quant à Vergennes, il préféra finalement garder à Constantinople une personne expérimentée. 

Gilles Perrault a présenté un élément nouveau dans un ouvrage publié en 1996, voici ce qu’il écrit : « En 1777, on pensera à Saint-Priest pour l’ambassade de Vienne (Vergennes s’y opposera victorieusement). Il vient d’épouser une demoiselle, présentée ainsi : “ Fille du comte de Ludolf, issu d’une noble et ancienne famille de l’Empire établie à Naples et envoyé extraordinaire de cette puissance à la Porte ottomane ”. Quoique point du tout expert dans ce domaine, nous pensons que cette dame devait être plus “ présentable ” qu’une veuve Testa (explication : l’épouse de Vergennes). Marie-Thérèse n’en écrit pas moins à Mercy : “ Si son épouse devait venir avec lui, ce serait un embarras bien grand par l’impossibilité de faire paraître madame de Saint-Priest, vu sa naissance obscure, à la cour et parmi la noblesse, comme il convient. Il faudrait donc que dans ce cas M. de Saint-Priest se décidât à laisser en France son épouse. ”[20] » 

Il faut souligner ici que Louis XVI demanda officiellement la dissolution du Secret du Roi, et ce, dès le début de son règne.  

Saint-Priest repart pour Constantinople au printemps 1778 : voyage de cinquante jours. En son absence, la peste avait passé. 

En 1778, les ordres du Comte sont de rétablir la bonne intelligence entre la Porte et la Russie. Des négociations sont en cours, mais Vergennes, compte tenu d’autres données, demande à Saint-Priest de les arrêter. Les parties passent par une période de tension. En mars 1779, l’accord d’Aïnali-Kavak est signé. La France en sort grandie aux yeux de la Porte et de la Russie. Saint-Priest reçoit le collier de Saint-André ; il souhaite l’ordre du Saint-Esprit, mais c’est en vain qu’il en parle à Vergennes. 

En 1783, c’est la paix entre la France et l’Angleterre. Des complications repoussent le rappel du Comte. Il propose de retourner l’ordre de Saint-André s’il reçoit l’ordre du Saint-Esprit. Finalement, son successeur est nommé : le comte de Choiseul-Gouffier. Saint-Priest s’occupe également d’une affaire de frontière entre Joseph II et la Porte, à la satisfaction de Joseph II.  

En 1785, dans la cinquantaine, fortuné, officier général, Saint-Priest revient de Constantinople ; la traversée dure dix-sept jours. Il passe par Toulon, Marseilles et Montpellier. Il remet au Roi un travail rendant compte de son ambassade. Malheureusement, Louis XVI ne lui parlera vraiment qu’après la mort de Vergennes, période de disgrâce que le Comte attribue particulièrement à ce dernier.  

Vergennes meurt en février 1787, après 13 ans de ministère. Selon le Comte, il doit sa réputation à la guerre d’Amérique, dont les avantages ne pouvaient compenser les maux. Parmi les causes de la Révolution française, le Comte désigne le déficit des finances qui a résulté de cette guerre. Pour le Comte il était clair que « si l’Angleterre persistait à soumettre ses colonies par la force, elle n’y parviendrait qu’après de longs efforts et l’épuisement de ses moyens. Si, au contraire, la Grande-Bretagne accordait l’indépendance à ses colonies, l’avantage de cette cession pour la France se trouvait accompli sans coup férir et bourse délier[21]. » Point de vue parfaitement français ! 

Après la mort de Vergennes, Mercy tente d’influencer Marie-Antoinette dans le choix d’un nouveau ministre. Pourquoi pas M. de Saint-Priest ? La Reine en parle au Roi qui repousse l’idée et se tourne vers M. de Montmorin[22]. L’opinion de la Cour était favorable à M. de Saint-Priest, mais il faut ajouter que, de toute façon, Montmorin était un ami du Comte. Saint-Priest reçoit ensuite l’ambassade de Hollande le 1er septembre 1787. Il part pour ce pays. Toutefois, à la suite de l’irruption prussienne en Hollande, le Comte, à Anvers, demande des ordres à Versailles ; à cause de bévues de la France, il s’exposait à des outrages pendant la révolution de Hollande. Le Conseil d’État fut d’avis de le rappeler. On s’amusa évidemment de la brièveté de son ambassade. 

Il passe un hiver tranquille à Paris. Il lui est demandé au printemps de retourner en Hollande, avec ordre de soutenir le parti français et interdiction de porter les couleurs du parti contraire (ce qui avait servi à échapper aux insolences). Il part avec sa femme et ses enfants, passe par Bruxelles, Delft, et arrive à l’ambassade France à la Haye. Son personnel est insulté par des polissons ; le Comte lui permet donc de porter un bout de ruban orange, ce qui confond ce personnel avec tout le monde. Il rencontre le comte de Maillebois, en disgrâce en France et qui est passé au service de la Hollande. Si le Comte espionna l’ambassadeur de l’Angleterre en Turquie, ce fut son tour de subir le même sort. En effet, Maillebois servit d’espion auprès de Saint-Priest, au nom du prince d’Orange.  

Trouvant son poste désagréable, le Comte demande d’aller aux eaux à Spa; il y rencontre Harris, ambassadeur d’Angleterre en Hollande, avec qui il s’entend bien, et Romanzof, qui allait devenir vingt ans plus tard premier ministre de Russie et chancelier de l’Empire. 

En 1788, Montmorin lui apprend que le Roi lui destine une place au Conseil d’État.

  

 

Ministre

 

1788-1790

 

Saint-Priest entre au Conseil en décembre 1788, à titre de ministre d’État sans portefeuille ou sans département. 

En novembre et décembre 1788, il lit l’ouvrage du comte d’Entraigues, son neveu, sur la convocation des États Généraux. Le Comte y voit un livre incendiaire, contenant des absurdités : le projet d’avoir 6 000 députés ; l’idée que la Noblesse est le plus grand fléau d’un État.  

M. de Saint-Priest dit que, à cette époque, le ministre prédominant au Conseil est Necker. C’est lui qui pilote les vues théoriques en matière de réforme. Il y a des divergences au Conseil. La faiblesse du Roi est évidente et des intrigues se nouent  à la Cour. Voici, en gros, le point de vue de madame Hortense Dufour. Le 18 juin 1789, la proposition de Necker qu’abhorre la Reine, suscite l’indignation des amis du Roi : réunion des trois ordres, projet d’accorder le vote par tête, autorisation de délibérer sur tout projet d’intérêt national, acceptation de l’égalité fiscale, accès de tous les citoyens à n’importe quelle charge publique. Necker ne compte que de rares alliés parmi les privilégiés : Saint-Priest, Montmorin et La Luzerne[23].  

Le Roi dort et ronfle au Conseil le 11 juillet 1789, mais il demande aussi la démission de Necker le même jour. Le lendemain, Saint-Priest reçoit un billet du Roi lui demandant de s’éloigner de ses Conseils et disant qu’il le récompenserait plus tard de ses services.  

Le 12 juillet 1789 l’Assemblée est révoltée. Paris se soulève[24]. 

Ensuite, à Paris, ceux qui sont soupçonnés de royalisme sont arrêtés. Saint-Priest dit que la population, encouragée par l’impunité et excitée par les factieux, se rend à la Bastille pour s’en emparer. La ville de Paris est livrée à l’anarchie. Le Comte écrit que le Prévôt des marchands, et le marquis de Lafayette, commandant de la garde nationale entrent avec insolence en fonction sans attendre l’agrément du Roi, qu’ils ont fini par être eux-mêmes victimes de la Révolution, l’un par le supplice, l’autre par la ruine, la prison et le mépris public[25]. Les problèmes de légitimité s’accumulent. D’autres ministres démissionnent et quittent même la France. Le Roi se trouve finalement sans ministre. 

Le jeudi, à sa maison de campagne, il est question du rappel de Saint-Priest et de celui de Necker. Le comte de Saint-Priest manque d’enthousiasme à l’idée de reprendre place au Conseil dans ces circonstances terribles ; il s’inquiète de l’avenir, surtout après une preuve aussi manifeste de la faiblesse du Roi[26]. 

Saint-Priest accepte tout de même et devient Secrétaire d’État de l’Intérieur, ce qui comprend Paris. Il ne voit toutefois aucun moyen de remettre la capitale sous la dépendance du Roi ; le Comte tente vainement d’échanger avec Montmorin son portefeuille pour celui des Affaires étrangères.  

Saint-Priest formule quelques commentaires sur le Conseil et le Roi. Sous Louis XVI, dit-il, l’état de ministre sans département était très insignifiant, ce prince n’ayant jamais d’opinion dans les affaires portées au Conseil. Je ne lui ai entendu articuler aucune. Il est donc heureux d’avoir un portefeuille, car les secrétaires d’État avaient un travail particulier avec le Roi et étaient alors à peu près maîtres de leur besogne[27]. 

Le Conseil étant incomplet, Saint-Priest, par intérim, ajoute à ses responsabilités le portefeuille de la Guerre et même des Finances, qu’il confie à M. de Lambert.   

L’approche de Necker ayant échoué, celui-ci fut étonné de l’état des choses à son retour en France et au Conseil ; il trouva la sédition dans toutes les provinces, l’autorité du Roi éteinte, dit Saint-Priest.  

Necker propose un emprunt de 30 millions et l’Assemblée Nationale accepte mais, au bout du compte, les prêteurs se désistent. En désespoir de cause, Necker recommande au Roi d’envoyer la vaisselle d’argent à la Monnaie, mesure nettement insuffisante et contribuant à discréditer ce ministre. 

L’anarchie progressait et les impôts ne rentraient pas toujours, la populace se mit à piller et à brûler des châteaux. Le château de Jons, sur le bord du Rhônes, et qui appartenait à M. de Saint-Priest fut incendié. 

Depuis le 13 juillet 1789, le régiment de Gardes avait cessé d’obéir à ses officiers. Le Roi licencie ce régiment. La ville de Paris prend ce dernier à son service, exprimant ainsi une forme de souveraineté, dit Saint-Priest, qui ajoute qu’elle en fait une garde nationale soldée, dirigée par Lafayette, sous l’autorité du maire et du peuple soi-disant souverain.  

En juillet 1789, le comte d’Artois et les autres princes du sang s’enfuient, et d’Angivillers décide d’émigrer. Son département des Bâtiments tombe par intérim dans les mains de Saint-Priest.  

En septembre 1789, la position du Roi et de la famille royale est extrêmement précaire. Problème : le Comte s’efforce d’améliorer la situation, mais il reste que, même dans les crises urgentes, les intrigues de cour prévalent sur les mesures nécessaires. Le 5 octobre 1789, la garde nationale marche sous la direction de Lafayette, avec de l’artillerie, en direction de Versailles. Le Conseil est alors composé de huit ministres. Le Comte veut miser sur les forces disponibles et que la famille royale parte pour Rambouillet, bien gardée. Le Conseil est divisé et  ce plan est finalement renversé. De son côté, Lafayette disait qu’il n’avait aucune intention dangereuse, qu’il s’engageait à maintenir l’ordre et le respect dû au Roi. Il faut bien ajouter qu’on ne lui obéissait pas toujours.  

Le Comte recommande toujours au Roi de partir pour Rambouillet. Cette fois, la Reine accepte et les préparatifs commencent. L’Assemblée Nationale, curieusement informée de cette résolution, dit Saint-Priest, décrète qu’elle suivait Sa Majesté dont elle était inséparable. 

À Versailles, la délégation dit que la population manque de pain à Paris. Saint-Priest, chargé de lui répondre, dit qu’il y a eu disette et que du grain est attendu. 

Le Comte dit au Roi qu’il va chez lui faire partir pour Rambouillet sa femme et ses enfants, et qu’il y devancera Sa Majesté à titre de ministre de sa Maison pour l’y recevoir. À ce stade, Saint-Priest entrevoit le commencement d’une guerre civile. Mais voilà que le Roi révoque l’ordre de son départ ; le Comte revient donc à Versailles après avoir appris la décision du Roi. 

Le lendemain, attaques, assassinats, efforts pour atteindre le Roi et la Reine dans le château de Versailles. Lafayette calme un peu les choses, notamment en distribuant du pain. Le Comte tente encore de convaincre le Roi de partir pour échapper à l’extrême danger. Toutefois, la foule a crié à Paris. Le Roi se laisse persuader de se rendre à Paris. Lafayette proclame cette décision, la foule applaudit et repart.  

Chartres et Orléans voulaient pourtant que le Roi vienne s’y réfugier, loin de ce qui était décrit comme « l’insolence parisienne ». 

Saint-Priest part pour Paris le 6 octobre 1789. À Passy, il demande à dîner à l’ambassadeur de Naples, son voisin ; il y dépose aussi deux caisses d’effets personnels. Ensuite, un secrétaire de l’ambassadeur, traître à son maître, fera imprimer une partie de ce qui appartenait à M. de Saint-Priest (il serait utile de trouver cette documentation). 

Lafayette et sa garde occupent les Tuileries, les Gardes du corps sont envoyés à Rambouillet. Donc, ce que le Comte avait dit au Roi le 5 octobre se confirmait : une fois à Paris, Sa Majesté serait captive. 

Somme toute, la stratégie du comte de Saint-Priest consistait à faire mieux respecter les lois et à répondre à la force par la force, croyant alors cela tout à fait possible – il décrit comment dans les Mémoires[28]. Son point de vue ne prévalut point.   

Saint-Priest écrit que l’on obéissait encore dans les provinces et les ministres pouvaient diriger les départements, qu’à Paris, tout finit par passer sous les ordres de l’Assemblée Nationale, que le Roi ne refusait de sanctionner aucun décret, espérant qu’à force de fautes et de mauvaises mesures, l’Assemblée se discréditerait, que tout le royaume serait révolté de ces extravagances.  

Le 2 décembre 1789, le Comte demeure au Louvres, à titre de secrétaire d’État de la Maison du Roi. Il écrit que ses fonctions se limitent à expédier dans les provinces les mandats et les lois proposés par l’Assemblée et sanctionnés par Sa Majesté.

Les inconvénients quotidiens du Comte sont quelque peu compensés par des avantages personnels : nomination de l’abbé de Bovet à l’évêché de Sisteron, cousin de son père. Son frère est nommé premier tranchant ainsi que porte-cornette blanche de la couronne avec grade de colonel, ce qui l’approcha du Roi. Le Comte dit que son frère suivit le Roi jusqu’au 10 août, à l’Assemblée, jour où Sa Majesté fut enfermée au Temple. M. de Saint-Priest nous rappelle que son frère paya ce dévouement de sa vie. 

Les meneurs de l’Assemblée Nationale avaient alors confiance à Saint-Priest ; Lafayette le visitait sans cesse, fatiguant le Comte[29]. 

Le Comte publie un écrit en réponse à une calomnie de Mirabeau : « Vous aviez autrefois un Roi qui vous donnait du pain ; vous en avez maintenant douze cents, allez leur en demander[30]. » Le document est destiné à l’Assemblée Nationale. Saint-Priest sort vainqueur.  

Le Comte est aussi aux prises avec des révolutionnaires qui, dit-il ironiquement, tiennent tout de même à certains principes moraux ! « Je fis un petit mémoire pour réclamer contre cette injustice, et il fit effet dans l’Assemblée, même sur Mirabeau qui dit de moi : “ je veux bien qu’on le pende, mais non pas qu’on le vole ”.[31] » 

Le Comte écrit qu’il jura le maintien de la constitution et entendait être fidèle à son serment. 

Puis, la défaveur publique atteint Saint-Priest, on s’éloigne de lui : Lafayette, Bailly, les députés du côté gauche ; Necker dit même ne pas comprendre pourquoi, dans ces circonstances, Saint-Priest ne quitte pas ses fonctions. On tente d’ailleurs aussi de se débarrasser de Necker ; sa femme menacée le pousse à donner sa démission. Mirabeau attaque à l’Assemblée le ministère du Roi. Il ne reste plus que cinq ministres ; certains offrent leur démission, dont M. de Saint-Priest. Le Roi les refuse. Le courant devient néanmoins irrésistible, des démissions successives sont présentées, et Saint-Priest est le dernier à le faire, retenu par le Roi jusqu’à la fin de 1790. La lettre de démission de Saint-Priest date du 26 décembre 1790. Il quitte volontiers son département mais souhaitant tout de même conserver la place d’intendant de la Liste civile. Pourtant, si le Comte avait continué de jouer ce rôle, il aurait probablement connu le sort de Laporte, titulaire après lui, et le premier immolé par la Convention après la déchéance du Roi, en 1792.  

Saint-Priest écrit aussi que le Roi méditait sa fuite de Paris, à l’insu des ministres. 

Dans ces circonstances, ignorant ce qui resterait de sa fortune après lui, Saint-Priest dit avoir demandé un brevet de douaire de six mille livres pour sa femme et qu’il fut aussi question de 24 000 livres de pension des Affaires Étrangères, ce qu’il n’a touché que la première année[32].  

N’ayant plus à prendre part au gouvernement de la France, Saint-Priest s’occupe dorénavant de ses affaires personnelles.  

Selon le Comte, au dernier acte de la tragédie, le Roi fut admirable par sa patience, sa résignation religieuse, son extérieur calme et le pardon de ses ennemis. Son testament est un vrai chef-d’œuvre qui honorera à jamais sa mémoire[33]. 

Quelques semaines avant de quitter sa place de secrétaire d’État, le Comte songe à s’éloigner de la France. Il demande au Roi de lui donner l’ambassade de Suède, seule vacante. Il dit que l’ordre de Saint-André emportait en Russie et en Suède le grade de lieutenant-général, ce qu’il demande. Tout est arrangé comme il veut. Toutefois, M. de Saint-Priest doit subséquemment renoncer à cette ambassade en raison de pressions de l’Assemblée.  

Le Comte apprend de la sœur d’un député, madame Descorches, qu’il est question de se débarrasser de lui d’une façon ou d’une autre ; cette dame l’exhorte à quitter la France. 

Saint-Priest fait prévenir Sa Majesté de son projet de faire un voyage dans le Nord ; il est prêt à accepter une commission. Le Roi ne désapprouve pas le départ, mais ne donne alors aucun ordre au Comte, et Louis XVI ne lui en donnera d’ailleurs plus aucun de son vivant. 

En mars 1791, madame de Saint-Priest part pour l’Angleterre ; le Comte entend l’y rejoindre en mai, à Londres. Le Comte charge son frère aîné de ses affaires personnelles. M. de Saint-Priest quitte la France avec 2 000 louis et ses diamants.

Il échappa ainsi au sort des secrétaires d’État, qui périrent victimes des révolutionnaires. 

Il avait à ce moment-là six enfants en bas âge..

 

Marie-Antoinette   

 

Bien que le Comte ait écrit un long chapitre sur Marie-Antoinette, nous n’aborderons dans le présent document que l’affaire Fersen. 

Hortense Dufour, a publié un ouvrage sur Marie-Antoinette[34] ; nous nous servons ici de son information sur Fersen. Madame Dufour nous dit que le 30 janvier 1774, Marie-Antoinette remarque un Suédois, grand, aux cheveux blonds, viril et souple à la fois. Coup de foudre. C’est Axel de Fersen. Il a dix-huit ans, est le fils du feld-maréchal de Fersen, membre du Conseil Royal de Suède. Il séjourne en France pour achever son éducation. Il devient l’amant de madame de Brancas. Fersen ayant ensuite quitté la France devenait en Suède l’amant de la duchesse de Sudermanie, belle-sœur de Gustave III. Fersen revient en France en 1779, printemps et été au cours desquels il ne quitte guère la Cour. Marie-Antoinette est alors enceinte de quatre mois. Fersen brouille la piste, dit Hortense Dufour : il a sollicité la main de la richissime mademoiselle Leyel et poursuit de ses galanteries une comtesse suédoise. Marie-Antoinette l’invite à toutes ses soirées intimes. Fersen repart, cette fois pour l’Amérique, et revient en 1783. Là-bas il jouit des faveurs de Mlle Hunter. Le 3 juillet 1783, il écrit à sa sœur : « J’ai pris mon parti. Je ne veux jamais former de lien conjugal, il est contre nature… Je ne puis être à la seule personne à qui je voudrais être, la seule qui m’aime véritablement, ainsi je ne veux être à personne. » Été 1783, Fersen rompt avec deux maîtresses anglaises : Emily Cooper et Elisabeth Foster. En 1783, Fersen tente de renouer ses fiançailles avec Mlle Leyel et jette aussi son dévolu sur la future madame de Staël. Et, comme si cela ne suffisait pas encore, le baron de Breteuil souhaite toujours l’avoir pour gendre. Puis Fersen accompagne son souverain en voyage incognito en Europe (pour la circonstance, le roi de Suède s’appellera le comte de Haga). La Reine de France fait une fausse couche le 3 novembre. Mai 1784, le comte de Haga et sa suite arrivent à Versailles. Fersen est l’officier préféré de son souverain, et celui-ci n’aime pas Marie-Antoinette ; il y a une sourde rivalité entre eux au sujet de Fersen. Neuf mois après le départ de Fersen et du roi de Suède, la Reine accouche du second Dauphin : mars 1785 (elle ne réalise pas que « l’enfant est abandonné socialement », ajoute madame Dufour). Il y a des doutes sur la paternité du Roi à la naissance de son deuxième fils, soit Louis Charles, duc de Normandie. En 2000, des analyses génétiques confirmaient finalement que les enfants de Marie-Antoinette ont eu le même père. Vers janvier 1788, Fersen doit partir car la Suède a déclaré la guerre à la Russie. En juillet 1789, Fersen apparaît brièvement à Versailles. Somme toute, il est permis de se demander ce qui pouvait bien se passer entre Marie-Antoinette et Fersen ; en effet, Marie-Antoinette, selon l’usage très ancien   des reines, n’est jamais seule. Fersen pouvait trouver refuge au Trianon, à Saint-Cloud et aux Tuileries, semble-t-il. Il y eut de la complicité dans leur entourage, notamment celle de La Fayette. Les ennemis de la reine connaissaient aussi cette liaison. Par contre, vers juillet 1790, La Fayette est un ennemi de la Reine – son apparente indulgence à protéger ses rencontres avec Fersen était un calcul pour la réduire. La Fayette souhaite le divorce de la Reine et veut la faire accuser d’adultère, ce qui rétablirait le roi dans sa dignité. La position de la Reine est néanmoins claire : elle ne divorcera jamais. En 1790, l’été est doré à Saint-Cloud : présence quotidienne de Fersen ami, allié, amant. Il s’évertue à aider le Roi à fuir. Les émigrés, de plus en plus nombreux, fomentent leurs complots pour aider le Roi, mais une coalition semble irréalisable. Farouchement antirévolutionnaire, Marie-Antoinette (et le Roi) ne croit pas à la sagesse des conseils de Mirabeau : établir un royaume constitutionnel comme en Angleterre, tenant compte des nouveaux courants. Fersen apprend à Bouillé  le 29 mai 1792 que la fuite est fixée au 20 juin. Ensuite, c’est Varennes – échec de la fuite ; c’en est fini de la monarchie jusqu’en 1820. Juillet 1791 : Fersen est à Bruxelles. Début février 1792 : Fersen écrit à Marie-Antoinette qu’il viendra la voir. Il ne reste à la monarchie que seize semaines à vivre. Fersen a besoin d’être caché à Paris. Il renoue sa liaison avec madame Sullivan ; pour lui, c’est le cadeau   qui la récompense du grand risque qu’elle prend pour aider la cause. En effet, il est sous mandat d’arrêt pour avoir organisé la fuite de Varennes. Il parvient aux Tuileries le 13 février 1792. Il passe la nuit avec Marie-Antoinette et se présente au Roi le 14 février (jour de la Saint-Valentin), proposant le plan d’une fuite à Rouen. Sa Majesté lui répond : « Jamais plus de fuite monsieur. » Fersen se cache encore chez Éléonore Sullivan une dizaine de jours et quitte finalement Paris le 23 février. Aussitôt à Stockholm, il tente de rallier son pays aux côtés de l’Autriche et de la Prusse en vue d’anéantir la Révolution, mais Gustave III meurt assassiné. L’Autriche provoque l’Assemblée : casus belli. Le 20 avril 1792, Louis XVI fait adopter la déclaration de guerre contre l’empereur. Il fait aussi envoyer son agent secret M. Maillet du Pan à Vienne, chez le roi de Prusse et chez les princes allemands, pour les avertir qu’il compte sur eux pour redevenir le roi de France. Marie-Antoinette fait parvenir à Mercy et à Fersen les décisions de l’Assemblée, les stratégies militaires de Dumouriez. On l’accuse de collaborer avec l’ennemi. Elle n’attend de secours que de sa patrie d’origine. Marie-Antoinette et Fersen continuent de correspondre. Fersen, à Bruxelles, est persuadé de la victoire de Brunswick : celui-ci écrasera la Révolution. Le 25 juillet 1792 : manifeste de Coblence. Brunswick menace Paris de représailles sanglantes si jamais il est fait le moindre outrage à Leurs Majestés. Contre-révolution ! L’Assemblée et la nation demandent la déchéance du roi. Le 21 septembre 1792, la République est proclamée par la Convention. Le Roi est arrêté en 1792.  

Ici prennent fin les renseignements de madame Dufour. 

Voilà qu’il manque dans tout cela une information des plus importantes pour le comte de Saint-Priest. 

Voici cet élément surprise, trouvé dans La Revanche Américaine, dernier volume de la série de Gilles Perrault, traitant du Secret du Roi. Cet auteur écrit ceci : « Indiquons pour l’anecdote que madame de Saint-Priest eut dans ces années-là une liaison avec Axel de Fersen[35]. » Ce ne pouvait être qu'à compter de 1785, année de la fin du séjour du couple à Constantinople. 

Qu’est-ce que le comte de Saint-Priest écrit au sujet de son mariage dans ses Mémoires, rédigés vers la fin de sa vie ? « Elle avait dix-sept ans de moins que moi, et notre union a duré trente-trois ans, époque la plus heureuse de ma vie. Le souvenir de ses vertus me suivra jusqu’à la tombe, et, en attendant ce terme dont j’approche tous les jours, les enfants qu’elle m’a laissés font toute ma consolation[36] . »

 

 

Émigré

 

M. de Saint-Priest servit donc la France pendant quarante ans, de 1750 (quand il fut reçu mousquetaire) à 1790. Ensuite, ce fut dix ans en émigration.

 

1791

À son départ pour l’Angleterre, le Comte se dit détesté en raison de son attachement au Roi et à la monarchie. Son itinéraire passe par Boulogne-sur-Mer, Cantorbéry, puis il arrive à Londres. S’il trouve madame de Saint-Priest en bonne santé, lui, par contre, est malade. 

Saint-Priest est reçu par Georges III, alors remis de son absence de raison. 

Rétabli, le Comte part pour la Suède, où son beau-frère, le comte de Ludolf, est ministre plénipotentiaire de la Cour de Vienne. C’est là que madame de Saint-Priest veut attendre le retour en France. 

Le couple passe par la Norvège : Christiania, Mass. C’est pendant ce voyage que le comte apprend que Louis XVI et la famille royale se sont échappés de Paris. Toutefois, arrivé en Suède, il apprend la capture du Roi à Varennes.  

Le Comte logera chez le comte de Ludolf jusqu’à la nomination de celui-ci à Copenhague. 

Saint-Priest s’achemine vers la Russie par le golfe de Bothnie. Il a une très agréable rencontre avec Catherine II, qui l’avait invité plus d’une fois, notamment par le comte Vorontzov, son ministre à Londres. Il y rencontre aussi le prince Zoubov, alors favori en titre de l’Impératrice, lequel a quarante ans de moins que la souveraine.

L’Impératrice, dans sa correspondance avec Voltaire, avait autrefois donné des signes d’aversion pour le comte de Saint-Priest, alors à Constantinople. La situation était alors tendue avec la Russie, et l’Impératrice avait des griefs, mais ses sentiments avaient bien changé depuis la convention d’Ainali-Kavak.   

En réponse au Comte, Catherine refuse de collaborer avec Gustave III pour rétablir l’ordre en France. Ayant été bien accueilli par Catherine, Saint-Priest reçoit ensuite de nombreuses invitations de la Cour et du corps diplomatique en Russie. 

Catherine alla même jusqu’à offrir de prendre Saint-Priest à son service. Le comte répondit poliment « que le ministre de Louis XVI ne pouvait appartenir à personne ».

Catherine le comprend et l’approuve. L’Impératrice écrit qu’elle est « grand-maître de l’ordre de Saint-André, chargée de veiller au bien-être des chevaliers et conserver la dignité convenable au premier ordre de mon empire[37] ». C’est pourquoi elle offre à Saint-Priest une pension annuelle en raison des pertes de celui-ci : 6 000 roubles d’argent, le tout payé exactement durant vingt-quatre ans[38], précieux secours de la famille pendant l’émigration. Bien entendu, Saint-Priest l’assure de son dévouement en tout ce qui ne sera pas contraire au service du Roi, et il part de Pétersbourg le 28 octobre 1791.

Direction : Varsovie. Il allonge sa route pour connaître les Cours de Pologne, de Dresde, de Berlin et de Copenhague. Le Comte n’a aucune commission politique de la part de l’Impératrice et le dit clairement.  

Il apprend à Varsovie que Louis XVI avait accepté la constitution présentée par l’Assemblée Nationale. Après avoir lu ce document, le Comte trouve la Constitution impraticable, car « le Roi était chargé de toute la responsabilité de l’administration, en même temps qu’elle lui ôtait toute liberté d’action[39] ». En outre, le frère de M. de Saint-Priest lui demandait de rentrer en France, disant qu’il lui serait difficile de s’occuper des affaires du Comte. Le Comte lui conseille de venir le rejoindre, de se mettre à l’abris de l’orage qui s’annonce.   

Il repart, passe par la Silésie, puis arrive à Dresde, où il voit Frédéric-Auguste III.

Après cinq jours, Saint-Priest part pour Berlin. Il demande à Frédéric-Guillaume II de venir au secours de Louis XVI ; la réponse est qu’il ne sera pas le premier à agir en ce sens. Après un séjour de trois semaines, Saint-Priest se dirige vers Hambourg, où il séjourne trois jours.   

Vient ensuite Copenhague. Il y trouve Christian VII dément. Le comte de Saint-Priest écrit que le prince royal devait signer pour valider la signature du Roi. Le Comte discute les affaires de France avec le prince royal ; la neutralité est l’option de celui-ci. Le séjour du Comte dure trois semaines. 

En dépit des allusions aux démarches des frères du Roi auprès des cours étrangères, le Comte ne veut suivre d’autres directions que celles émanant du Roi.  

Saint-Priest est de retour à Stockholm en décembre 1791. Il y est question d’un projet de coalition contre la France, conçu par Gustave III, adversaire déclaré de la Révolution française. Le 18 mars, une lettre anonyme signale un complot d’assassinat de Gustave III, mais celui-ci refuse d’en tenir compte, et il est bel et bien victime d’un attentat plus tard le même jour ; il meurt des suites le 29 mars 1792. La politique suédoise change subséquemment.

 

1792-1796

 

Une guerre austro-prussienne est déclenchée contre la France. Les Princes, frères du Roi à Coblentz, coopèrent avec la Prusse et l’Autriche. Le marquis de Bombelles arrive de Russie, expédié par le baron de Breteuil qui disait avoir la confiance directe de Louis XVI et exprimait une espèce d’opposition au parti des princes. 

Le Comte écrit que madame de Saint-Priest reçoit, en même temps, une lettre du comte de Fersen, lui demandant de la part de Breteuil, quelle ambassade du Nord voudrait Saint-Priest, puis disant que, au retour en France, celui-ci était assuré de sa place au Conseil d’État.  

Louis XVI meurt le 21 janvier 1793. Monsieur se déclare lieutenant-général du royaume pendant la minorité de Louis XVII. Monsieur prince demande au Comte d’aller à Vérone; Saint-Priest hésite en raison de craintes pour la sécurité des siens en France[40].  

Saint-Priest apprend la perte de son frère : « son compagnon d’enfance, parent le plus proche, ami le plus tendre ». Il dit que cela le blessa au cœur et qu’il eut bien de la peine à s’y résigner[41].  

Emmanuel, fils aîné, vient en Suède en 1793, il a seize ans. Il est envoyé en Russie, où il est officier dans le corps des cadets de l’artillerie. Armand, dix ans, rentre en France.  

Louis XVII meurt à son tour, le 8 juin 1795. Monsieur devient roi titulaire. Il écrit de sa main au Comte et l’appelle auprès de lui. Le Comte accepte de servir le roi légitime, Louis XVIII, et quitte la Suède le 20 novembre 1795, y laissant madame de Saint-Priest. 

Nouveau voyage de Saint-Priest : Abo, Finlande, arrivée à Pétersbourg. Catherine refuse d’intervenir en France, croyant que l’expérience avait prouvé qu’on ne pouvait parvenir au rétablissement de l’ordre en France en y employant la force, qu’il fallait attendre que des désordres intérieurs amenassent les Français à souhaiter le retour de la maison de Bourbon[42]. Quant à lui, le Comte croyait que le nom de Catherine pouvait rallier les alliés... Il  trouve que Catherine a vieilli sur les plans physique et moral. Il obtient d’elle qu’elle reconnaisse Louis XVIII comme roi de France. Saint-Priest demande qu’Emmanuel passe dans un régiment des gardes, alors service de faveur. Ce fils est nommé lieutenant dans le régiment de Semenowski; le Comte demande aussi de l’amener en Allemagne.

Saint-Priest se prépare à partir pour Vérone ; il a l’intention de visiter le maréchal comte de Roumiantsov en Ukraine, à son château de Tachane. Il a correspondu avec ce maréchal à l’époque de l’ambassade à Constantinople ; ce projet de voyage lui permet de traverser toute la Russie européenne, Novgorod, Moscou, Bathurin, Après  deux jours chez Roumiantsov, il part pour Kiew et trouve la Volhynie.  

Au fait, Saint-Priest décrit une scène précieuse, liée à l’époque de la visite Catherine II à Kiew. Elle demande alors l’avis de certaines personnes : « L’ambassadeur de l’Empereur, Cobenzl, le comte de Ségur, ministre de la France, et Fitsherbert, le ministre britannique, l’avaient accompagnée. “ Comment vous paraît Kiew ? demanda-t-elle à Cobenzl. – Superbe, admirable ? répondit-il. – Et vous monsieur de Ségur ? – Un grand souvenir et une grande espérance. ” Enfin elle demanda à Fitsherbert ce qu’il en pensait. “ Que c’est un affreux désert ! répliqua-t-il. – Voilà les trois caractères, reprit-elle, le courtisan, l’homme poli, et l’homme sincère ”[43]. » 

Saint-Priest arrive à Vienne ; un ordre du Roi lui demande de demeurer là jusqu’à l’arrivée du comte de Choiseul-Gouffier. Saint-Priest rencontre François II, lequel n’accepte que Saint-Priest à Vienne comme agent de Louis XVIII. Le fils de Saint-Priest peut alors se rendre à Constantinople, visiter son oncle le comte de Ludolf, envoyé extraordinaire des Deux-Siciles et, de là, partir pour la Russie. À Vienne, Saint-Priest connaît un grand nombre de dames françaises et quelques hommes. Ils finissent par être huit, installés dans une maison pendant plusieurs mois, avec l’aide du comte François Dietrichstein.

Au bout d’un certain temps, dit le Comte, la présence de Louis XVIII paraît fort coûteuse au Sénat vénitien. La République demande au Roi de partir. Celui-ci va rejoindre l’armée de Condé, et Louis XVIII est légèrement blessé à Dillingen. Le Roi décide ensuite de se séparer de l’armée autrichienne, mais la chose est délicate : somme toute le Roi s’était joint à l’armée autrichienne lorsqu’il était question de sa rentrée en France, mais il ne croyait pas devoir défendre les frontières autrichiennes, ce qui déplut fort à plus d’un endroit. Le Comte était chargé de communiquer à la Cour de Vienne le contenu de la lettre du Roi à cet effet. Le Comte n’exécute pas l’ordre et fait connaître au Roi ses raisons[44].   

Puis c’est la consternation : Catherine II meurt en novembre 1796. Elle allait signer une alliance offensive contre la France ; il faut donc y voir une grande perte pour la coalition.

 

1797-1807

 

Paix de Campo-Formio : Vienne signe la paix avec le gouvernement français. Le Comte y voit une des conséquences de la mort de Catherine. 

Au commencement de 1797, Louis XVIII est à Blankenbourg. Il fait venir le comte de Saint-Priest et le charge de la correspondance. Le Comte tente de convaincre le Roi d’obtenir de Paul, en Russie, un appui semblable à celui de Catherine ; il recommande aussi à Sa Majesté de compter sur la Russie et non sur l’Espagne – ce que voulait le duc de la Vauguyon[45]. Le plan du Comte est adopté. La vie à Blankenbourg ne manquait pas d’agrément, et cela dura trois mois.  

Son fils, d’à peine vingt ans, arrive de Constantinople en Russie pour le couronnement de Paul 1er ; il est nommé capitaine dans la garde impériale. 

Le Comte repart pour Pétersbourg. Paul 1er l’y accueille. Saint-Priest y trouve le baron de La Rochefoucauld envoyé aux fins de l’entrée du corps de Condé au service de l’empereur Paul. Paul 1er voit souvent Saint-Priest et lui parle de plusieurs choses : sa mère, ses voyages en France, sa politique, son armée. Paul est favorable à Louis XVIII, lui permet de s’installer à Gevers et lui offre deux cent mille roubles pour cent gardes du corps tirés de l’armée de Condé. Le roi de Pologne arrive pour le couronnement de Paul. Compte tenu de certaines décisions de Paul allant à l’encontre de celles de Catherine et de la paix de Campo-Formio, Saint-Priest écrit avoir senti que le temps n’était pas propice pour solliciter davantage l’intérêt de Paul en faveur de Louis XVIII.  

Le Comte revient, passe par la Suède avec Emmanuel qui n’a pas vu sa mère depuis quatre ans. Les deux trouvent madame de Saint-Priest en bonne santé. C’est précisément le temps des fêtes du mariage de Leurs Majestés Suédoises.  

Louis XVIII doit quitter Blankenbourg à la demande du duc de Brunswick. Paul propose un asile au palais ducal de Mittau, et l’offre est acceptée. 

Louis XVIII demande à Saint-Priest de le rencontrer en Courlande. Madame de Saint-Priest n’est pas bien. Le devoir appelle tout de même le Comte à Mittau. Arrivé auprès de Louis XVIII, Saint-Priest trouve celui-ci est malade : accès de goutte. À l’époque, la partie brûlée du château de Mittau, n’avait pas été réparée.  

Le Comte est remis en possession de la correspondance et décrit cette période délicate : conflit de personnalité entre M. d’Avaray et de Saint-Priest en raison de l’âge, de l’expérience et de nombreuses autres choses. Le Comte ne voulait pas servir sous d’Avaray. Saint-Priest dit au lecteur que se respecter soi-même a toujours été sa première règle de conduite, ce qui lui a valu de parvenir à une grande vieillesse sans regretter aucune de ses actions. Louis XVIII se rendit difficilement à sa demande ; il convint que le Comte lui remettrait des minutes de réponses qu’il examinerait. Toutefois, toutes les dépêches étaient communiquées secrètement à d’Avaray, celui-ci faisait ses observations ; le Roi copiait celles-ci à mi-marge et les renvoyaient au Comte. Le Comte en fut blessé. En outre, ses réponses aux observations du Roi ou d’Avaray étaient rarement adoptées. Voyant qu’il n’y avait plus rien à faire, le Comte décida de quitter Mittau et de se rendre à Pétersbourg où il y avait des choses à régler pour assurer le séjour du Roi.  

En Russie, le Comte trouve que les choses sont changées. Paul a une nouvelle maîtresse mademoiselle Lapoukhin. Il est le protecteur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Le Comte est reçu sèchement par Paul, lequel accorde de mauvaise grâce les demandes  adressées au nom de Louis XVIII. Le Comte repart pour Mittau avec des ententes en poche : traitement de sa Majesté Très-Chrétienne de deux cent mille roubles par an, payable aux six mois ; mesures pour la solde des gardes du corps et l’entretien du château.  

La santé de madame de Saint-Priest s’était rétablie, et le Comte espérait la faire venir en Courlande. Surprise : Bonaparte s’empare de Malte[46]. Paul en est très fâché et prend le titre de grand-maître ; on lui reproche de déposséder ainsi l’ancien grand-maître. Louis XVIII propose la réunion de l’ordre de Saint-Lazare à celui de Saint-Jean de Jérusalem. Paul étant insatiable de décoration demande aussi l’ordre du Saint-Esprit; on le lui envoie. À son tour, Paul octroie le collier de Saint-André à Louis XVIII.  

Saint-Priest a le titre de ministre de la Maison du Roi. Le rôle que joua le Comte dans le mariage de madame Royale avec le duc d’Angoulême indisposa fortement Bonaparte. Tout ce qui empêchait l’extinction de l’ancienne dynastie devait choquer Bonaparte[47]. Il empêcha le Comte de rentrer dans sa patrie, le mettant sur toutes listes d’exception. 

En Russie, le cabinet de Paul changeait de mesures à tous moments, dit le Comte. Vienne et Londres avaient trouvé un moment propice pour l’amener à participer à une coalition contre la France – les succès de son général Souwarov. C’est alors que Paul se prit de passion pour Bonaparte et se brouilla avec Vienne et Londres. Après cela, le Comte crut que le Roi devait s’approcher de l’Italie. Paul ne demandait d’ailleurs pas mieux que de débarrasser de Louis XVIII.  

Les deux fils du Comte quittèrent la Russie, en disgrâce sous Paul. L’aîné fut pris par le duc d’Angoulême, l’autre fut envoyé à Vienne.  

Le Comte part pour Vienne au début mai 1800, avec madame de Saint-Priest, souffrante et affaiblie. Ils passent par Wilna, où le titulaire de sa starostie vient de mourir – terre de Lithuanie reçue de Paul et dont le revenu était de mille ducats.

Puis c’est la Bataille de Marengo : la face de la France est changée, celle de l’Europe ne tardera pas à subir le même sort. La République remporte d’autres succès. La cause de Louis XVIII est perdue en Allemagne.  Le voyage du Comte n’a plus de but ; avec madame et Armand, il se rend aux bains à Teplitz, en Bohême.  

L’hiver se passe à Dresde, à un moment agréable ; Emmanuel y vient. 

Le Roi rappelle Saint-Priest à Mittau. Malgré son désir de lui être utile, le Comte ne peut accepter. Il donne ses raisons : son âge et la santé de madame de Saint-Priest. Par conséquent, il demande au Roi sa retraite définitive.

Le chargé d’affaires de la République à Dresde est M. de la Valette, marié à une Beauharnais. Madame de la Valette était la cousine germaine de la comtesse de Barral, née Beauharnais comme elle, et parente du Comte au même degré[48]. Malgré cela, le comte ne crut pas devoir se mettre rapport avec cet agent. 

Louis XVIII reçoit de Paul l’ordre de quitter Mittau le 21 janvier, Paul voulant plaire à Bonaparte. Louis XVIII trouve temporairement refuge à Varsovie.  

Quant à Paul 1er, il est attaqué le 15 mars au palais Michel, et sa mort, annoncée le 24 mars 1801. Le nouveau règne est favorable aux fils de M. de Saint-Priest, puisqu’ils avaient été attachés au grand-duc Alexandre, lequel monte alors sur le trône. Emmanuel est nommé colonel, le cadet, lieutenant, dans le régiment des gardes dont ils avaient déjà fait partie. 

Madame de Saint-Priest voulait retourner en Suède, sa santé déclinait. Le Comte avait acheté non loin de Stockholm, près du lac Malar, une jolie maison de campagne[49]. Ils partent passant par Berlin, Stralsund, Stockholm. L’été, ils sont à leur maison. Le roi Gustave était alors aimé de ses sujets. Le comte Kotchoubey demande à Saint-Priest de sonder les sentiments de Gustave IV à l’égard de la Russie: Gustave répond qu’il n’entreprendra rien contre ses voisins, mais se souffrira pas d’empiètement de leur part[50].

La Russie va soutenir l’Autriche dans la guerre contre Bonaparte. Emmanuel y participe et Louis (dix-sept ans) sert sous son frère.

Après trois ans à Varsovie, Louis XVIII est forcé de trouver un autre endroit à cause de ceux qui voulaient ménager Bonaparte. L’Empereur Alexandre accorde à Louis XVIII un asile temporaire à Mittau. Bonaparte fait à l’époque des gains : premiers combats entre les Russes et les Français. Emmanuel et son frère sont grièvement blessés à la bataille de Guttstadt; ils survivent et arrivent à Mittau, où ils sont soignés, logés et nourris au frais de Louis XVIII.  

En raison des victoires de Napoléon et des conditions imposées par celui-ci, Louis XVIII ne peut plus rester à Mittau. Où aller ? Tout le continent est la proie de Bonaparte. Soudain, le roi de Suède ose se déclarer contre le vainqueur de l’Europe. Il presse Louis XVIII de venir le joindre à Stralsund. Puis, à leur rencontre au port de Carlscrona, ne pouvant plus secourir Louis XVIII, Gustave IV lui recommande de se retirer en Angleterre. C’est là que Louis XVIII attendra son retour en France.  

 

 

Retraité

 

Le comte de Saint-Priest reste en Suède après la mort de sa femme en 1807.  

Ensuite, il séjourne pendant deux ans à Genève, avec ses filles, la marquise de Saint-Victor et la marquise Dax d’Axat. 

En 1811, Bonaparte exige que le Comte quitte le territoire de l’Empire : la campagne de Russie va commencer. Malade le comte de Saint-Priest doit partir en janvier 1812 ; il va à Vienne, provisoirement. 

Les fils combattirent pour la Russie. Emmanuel fut tué en Champagne. 

À la Restauration, le Comte ne vit Louis XVIII que trois mois après son retour en France. Durant les Cent Jours, monsieur de Saint-Priest resta paisiblement à Évreux.

À quatre-vingts ans, très sourd, il fut porté sur la liste des pairs que proposa le cabinet Talleyrand. Il quitta Paris et alla habiter sa terre près de Lyon, où il vécut six ans, avant de mourir le 26 février 1821, à Lyon, « dans la maison de Moidière, place Bellecour[51] ». 

Catherine II avait vu juste (mais pas assez loin, semble-t-il), pensant que, après la période de désordre, on souhaiterait le retour des Bourbons. Aussi le Comte a-t-il pu avoir la grande consolation (historiquement temporaire pour nous) de mourir pendant la Restauration.

 

 

Membre et chef d'une famille

 

Nous avons regroupé ci-dessous des renseignements sur la famille et les biens de M. de Saint-Priest afin de faciliter le travail de ceux qui s’intéressent particulièrement à ces aspects.

 

Parentèle immédiate

 

François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest, est né le 12 mars 1735, à Grenoble, de Jean-Emmanuel Guignard, vicomte de Saint-Priest et d’une demoiselle de Barral, famille ancienne en Dauphiné[52]. Il dit que son père, renommé comme magistrat, a toujours été généreux pour ses enfants.  

En 1750, François-Emmanuel Guignard trouve à Versailles deux parents : l’abbé de Barral, son oncle maternel, aumônier du roi, et le comte de Verceil, lieutenant des gardes du corps de quartier[53].  

Le cardinal de Tencin, archevêque de Lyon était l’oncle du comte de Saint-Priest[54]. 

Le marquis de Jons était le cousin germain de François-Emmanuel, du même nom que lui, chef de la branche cadette de la famille[55]. 

En 1774, à quarante ans, François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest, se marie ; son frère n’avait alors pas d’héritier mâle[56] ; il épouse mademoiselle de Ludolf, fille du comte de Ludolf. 

Après huit ans à Constantinople, le Comte obtient le congé demandé à Vergennes. Un fils est né en 1775. Se rendant en France, la jeune famille Saint-Priest perd malheureusement cet enfant : l’inhumation se fait en Sardaigne[57]. 

Vers 1776, François-Emmanuel obtient pour son frère le chevalier, le don d’une galère qui lui assurait le don d’une commanderie[58].

Le 11 octobre 1777, madame de Saint-Priest accouche de sa première fille[59]. 

Lorsque François-Emmanuel part pour Constantinople en 1778, sa femme, son frère le chevalier de Saint-Priest et le comte d’Entraigues, son neveu, l’accompagnent[60]. Arrivée en Turquie, madame de Saint-Priest va rejoindre ses parents à la campagne[61]. 

Quatre ans après, c’est la naissance de sa seconde fille, Anastasie. L’année suivante, en 1782, naquit Armand, dernier des enfants que les Saint-Priest ont eus en Turquie[62].  

Au départ définitif de Constantinople, en 1785, madame de Saint-Priest quitta ses parents pour ne plus les revoir[63]. 

En juin 1785, le Comte apprend que son père est gravement malade[64] ; il se rend à Montpellier. Le père meurt le 18 octobre 1785. 

En décembre 1788, Saint-Priest visite sa mère à Montpellier, avant d’entrer en fonction au Conseil d’État ; c’est sa dernière entrevue avant la mort de celle-ci[65]. 

Le 2 décembre 1789, madame de Saint-Priest accouche d’un fils au Louvre ; le Roi et la Reine acceptent de servir de parrains[66]. 

Saint-Priest obtient la nomination de l’abbé de Bovet à l’évêché de Sisteron, cousin germain de son père[67]. 

En 1791, Saint-Priest avait six enfants en bas âge. Sa fille aînée, s’était mariée au début de 1791, à treize ans et demi : son beau-père était le marquis de Saint-Victor. Emmanuel et Armand, ses deux premiers fils étaient à Heidelberg. L’aîné avait quinze ans. Louis, le troisième fils, était chez sa nourrice et les deux filles cadettes, à Montpellier, auprès de madame de Bocaud, sœur de M. de Saint-Priest[68]. 

Encore en 1791, le Comte part pour la Suède, où son beau-frère, le comte de Ludolf, est ministre plénipotentiaire de la Cour de Vienne[69]. 

Emmanuel, fils aîné, va en Suède en 1793, il a seize ans[70]. Il est envoyé en Russie, où il est officier dans le corps des cadets de l’artillerie. Armand, dix ans, rentre en France. 

Saint-Priest nous dit aussi que sa sœur aînée était à Rome – vers 1796[71]. 

M. de Saint-Priest  nous apprend que la comtesse de Montaut[72] était sa cousine germaine, par son mari, cousin germain de la mère du Comte. Cette comtesse n’a laissé qu’une fille, la vicomtesse de Gontault, mariée  au vicomte de Gontault.  

Vers 1800, le chargé d’affaires de la République à Dresde est M. de la Valette, marié à une Beauharnais. Madame de la Valette était la cousine germaine de la comtesse de Barral, née Beauharnais comme elle, et parente du comte de Saint-Priest au même degré[73]. 

En 1802, Emmanuel et Armand reçoivent la permission d’aller en France voir leur parenté. Au printemps 1803, les enfants arrivent en Suède avec Louis, le troisième fils, treize ans ; après, ses frères repartent pour la Russie[74].  

Saint-Priest parle du mariage de sa seconde fille avec le marquis Dax d’Axat, noble et ancienne famille d’Allemagne. La sœur du Comte, veuve d’un homme du même nom, lui assurait toute sa fortune[75]. (Le 16 mars 2007, je recevais de F.D.A. l'information suivante : cette origine allemande est en fait médiévale ; il faut aussi savoir que la famille Dax d'Axat se trouve tout de même au Languedoc depuis 1330.)

Ensuite, Saint-Priest séjourne pendant deux ans à Genève, avec ses filles, la marquise de Saint-Victor et la marquise Dax d’Axat. 

En 1804, la troisième fille épouse le marquis de Calvière, bon gentilhomme du Languedoc, d’une famille très fidèle, destiné à une belle fortune[76].  

Armand épouse la princesse Sophie Galitzin, demoiselle d’honneur de l’impératrice, riche et d’une très illustre naissance. Ce mariage se fait dans les deux églises : catholique et grecque. Ce fils est nommé gentilhomme de la chambre. Plus tard, il sera gouverneur de plusieurs grandes provinces[77]. 

Le comte de Saint-Priest reste en Suède après la mort de sa femme en 1807.  

Dans ses Mémoires, Saint-Priest ne donne la parole qu’à un seul de ses enfants, à Kiew. Le Comte dit qu’il est avec son fils Emmanuel : « Kiew est une ville de sanctuaires pour les chrétiens russes ; j’en visitai les catacombes où sont les corps de leurs saints, ce qui attire la dévotion des gens du pays. On en montrait les reliques entières dans des espèces de caves. “ Quelques-uns, dit le moine qui nous conduisait, s’y étaient fait murer de leur vivant, et on n’en voyait que la tête. ” Mon fils demanda à ce religieux s’il ne se sentait pas appelé à un pareil dévouement, il répondit que cela avait été défendu[78]. » C’était vers mars 1796.

 

Biens

 

Après sa mission diplomatique du Portugal, M. de Saint-Priest dit que jusqu’alors sa fortune se bornait à un peu de mobilier, mais qu’il n’avait encore aucune propriété[79]; il parle même de manque absolu de fortune[80]. Pourtant, le  Comte parle aussi de ses trois prieurés, dont un au Poitou[81], près du Ruffec, propriété du comte de Broglie. 

Vers 1785, le Comte décide de vendre sa terre de Normandie, trop éloignée de ses possessions en Dauphiné[82].

En juin 1785, madame de Saint-Priest va attendre sur la terre du frère du Comte, près de Grenoble[83]. 

Encore vers 1785, avec Armand, son second fils (3 ans), Saint-Priest arrive à Olivet, terre de son frère, à quelques lieux de Grenoble[84]. Le Comte explore les terres qu’il avait acquises de son père et qu’il affermait. Grenoble est la ville qu’habitait la famille de sa mère, nous dit le Comte. Il visite la vallée de Grésivaudan afin d’y voir les forges d’Allevard, appartenant au comte de Barral, son cousin germain. De Grenoble, François-Emmanuel va à Saint-Priest, où il avait acquis, depuis la Turquie, la terre de Mari qui joignait celle de son nom et, plus loin, la baronnie de Jons, possédée par l’abbé de Jons, cousin germain du côté paternel. Ces trois terres, y compris celle de Saint-Priest (qui lui était alors substituée, et ensuite lui a été échue), lui donnaient un revenu de 40 000 livres de rente[85]. Il songeait à s’y établir, dit-il, avec sa femme en bâtissant un logement convenable, car le château de Saint-Priest avait, selon le Comte, des défauts essentiels : manque d’eaux, mal boisé et sujet aux vents les plus impétueux ; importunité de voisins demandant que M. de Saint-Priest intercède en leur faveur[86].  

Saint-Priest décide de s’établir à Paris. Il mène d’abord sa fille aînée, âgée de huit ans,  à Montpellier ; elle avait jusqu’alors été au couvent à Lyon. C’est ensuite le départ pour Paris avec madame de Saint-Priest et Armand. En 1786, le Comte achète une maison dans le haut du faubourg Saint-Honoré ainsi qu’une maison de campagne dans la paroisse de Ris, sur le bord de la Seine, avec jardin ou parc de trente arpents, près du chemin de Fontainebleau[87].

Peu avant la prise de la Bastille, Saint-Priest est renvoyé du Conseil ; il écrit qu’il part aussitôt avec sa femme pour sa maison de campagne de la Briqueterie, près de Corbeil[88], où étaient ses enfants. 

À ce moment-là, le Roi et la Reine étaient calomniés dans des pamphlets qui se vendaient publiquement, les ministres aussi. C’en était au point où des ouvriers à la maison de Saint-Priest à Paris, auxquels il donnait du travail, lisaient des libelles contre lui à l’heure de leur repas[89].

Peu après la prise de la Bastille, le château de Jons, sur le bord du Rhônes, et qui appartenait à François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest fut incendié. Le consul de la communauté y mit lui-même le feu[90].  Le Comte ajoute qu’il s’en fallut de peu que le château de Saint-Priest n’éprouvât le même sort ; celui-ci appartenait alors au frère aîné de François-Emmanuel.  

Le Comte part pour Vienne au début mai 1800, avec madame de Saint-Priest, souffrante et affaiblie. Ils passent par Wilna, où le titulaire de sa starostie vient de mourir – terre de Lithuanie reçue de Paul et dont le revenu était de mille ducats.

M. de Saint-Priest possédait vers 1801, non loin de Stockholm, près du lac Malar, une jolie maison de campagne[91]. 

En 1821, François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest décède à Lyon, « dans la maison de Moidière, place Bellecour, où était son domicile à ce moment-là[92].

 

Guignard, le patronyme

 

Monsieur de Saint-Priest dit qu’il descend d’une « vieille famille en Dauphiné » et que la terre de Saint-Priest était dans sa famille depuis plusieurs siècles ; il dit aussi que son patronyme est Guignard. Il ne parle pas d’autres branches très anciennes liées à ce patronyme. Nous le ferons ici.  

Il convient d’abord de signaler ce Guygnart/Guignard occulte de la franc-maçonnerie odiniste de Chartres – mouvement non catholique. Maurice Guignard[93] décrit comme suit une partie du costume du grand-maître de la Loge : « Sa robe est ceinte de l’étole odiniste ou Lindi et sa bordure est garnie de Rose-Croix. Les runes A.M.D.G. ornent son bonnet et sa robe[94]. » Il est dit que l’odinisme a permis de fonder l’école de Chartres, laquelle comportait deux sections : l’école épiscopale, très célèbre au Moyen-Âge, et le séminaire odiniste. À l’école épiscopale s’enseignaient la théologie, la philosophie, le latin, le grec et les sciences naturelles. Au Séminaire, s’enseignaient la magie odiniste et druidique, les mathématiques, l’astronomie, le magnétisme, l’alchimie et l’architecture. Maurice Guignard nous apprend aussi que maître Jehan Guignard, tabellion et grand-maître de la Loge, fut le parrain odiniste d’Ignace de Loyola[95].  C’était donc vers 1500. Quoi qu’il en soit, les intéressés trouveront des archives à Chartres.

Passons maintenant à la région de Pithiviers. Dans un des ses ouvrages généalogiques, Ludovic Guignard de Butteville[96] parle de Hugues Guignard, qui accompagna Saint Louis lors de sa dernière croisade, soit en 1269 et 1270[97]. Il dit que Laîné, dans sa Généalogie des Guignard de Saint Priest, signale des Seigneurs de Montguignard, du Gâtinais Orléanais. Pierre-Alexandre de Montguignard était Grand Fauconnier de France ou Maître de la Fauconnerie sous Philippe le Bel, Louis X dit le Hutin, Philippe V et Charles IV le Bel (de 1313 à 1322)[98]. Catherine Guignard, prieure de Poissy en 1351, était membre de la branche des Seigneurs de Montguignard. Il mentionne également le nom de Jean Guignard, chevalier, écuyer de Du Guesclin vers 1370 ; il était le fils de Pierre-Alexandre Guignard, Seigneur de Montguignard[99].   

Les Montguignard étaient donc de l’époque de Philippe Lebel. Ils ont sans doute vécu la grande crise sociale entourant l’affaire des Templiers. Maurice Druond, dans Les Rois Maudits[100], fait dire à Charles de Valois que la condamnation du grand-maître Jacques de Molay marque rien de moins que la fin de la chevalerie. 

En dernier lieu, nous nous tournons vers la Bourgogne et aboutissons à une Guignard du chapitre noble de Château-Châlons, au IXe siècle[101]. Dunod de Charnage l’aurait signalée dans son Histoire de Bourgogne, de même que Saint-Allais dans son Dictionnaire de la noblesse. Cette femme demeure très mystérieuse ; nous manquons toujours d’information sur sa famille immédiate.  

Bien entendu, même aujourd’hui, en dépit de tout ce que nous ont laissé les chercheurs, il est encore impossible de préciser tous les liens de parenté pouvant exister entre ces personnes unies par le même patronyme, y compris les lignes d’Amérique. L’optimisme se justifie : chaque année apparaissent de nouveaux renseignements. Des outils inespérés sont aussi à notre disposition. Il semble clair que, pour le meilleur et pour le pire, la génétique éclaircira de nombreux dossiers. 

Enfin, il convient de commenter ici certaines explications relatives à l’origine du nom de famille « Guignard ». Même si Ludovic Guignard affirme que le patronyme vient de la langue bretonne, notamment, de « gwenaer » ou de « gwinaer », termes qui correspondent en français à « piqueur »[102], vous trouverez, même dans de la documentation récente[103], que « Guignard » vient de l’allemand, à savoir de « Guignebert » ou « Guinebert ». Bien qu’il faille hésiter face à ces hypothèses, il ne faut pas douter d’une chose. Toute explication crédible sur l’origine du patronyme doit logiquement reposer sur des faits linguistiques antérieurs au IXe siècle, et ce, en raison de l’existence de la religieuse de Château-Châlons.

 

 

Style de l'homme et de l'auteur

 

Dans ce qui précède, vous avez déjà été à même de percevoir certains traits de la personnalité de François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest. Ce qui pourra frapper pendant la lecture des deux tomes des Mémoires, c’est cette présence étonnante ; le Comte semble toujours si vivant et lucide. Sa sincérité est exceptionnelle, parfois désarmante, voire brutale, et son œil très averti. Voici des exemples par ses textes. 

Premier cas. Le Comte réagit aux inexactitudes d’un historien : « Je lis Lacretelle à la fin de ma carrière, assis dans un bon fauteuil, sous le toit que m’ont transmis mes pères, entouré des soins de mes filles, de mes amis, et apercevant de mes fenêtres une vue à la fois magnifique et riante ; aussi passerai-je sur les récits mensongers de M. de Lacretelle sans m’y arrêter, et me contenterai-je de lui opposer la relation véritable de l’événement qu’il défigure[104]. » 

Deuxième cas. Saint-Priest décrit plutôt sans détour la Dauphine (Marie-Antoinette) et le Dauphin (futur Louis XVI) :

La Dauphine : « Cette princesse était grande et bien faite, un port de reine, le teint admirable, le pied et la main charmants, l’ensemble de sa personne agréable, sans cependant des traits distingués de beauté. Elle avait de la facilité et de la grâce à s’énoncer, mais, dans le fond, peu d’instruction ; aucun goût pour la lecture et écrivant mal, tant en caractères qu’en diction. C’est l’abbé de Vermond qui faisait ses lettres et il s’en acquittait fort bien ; mais lorsqu’elle s’en sépara et qu’elle fut réduite à elle-même, on vit qu’elle avait bien peu profiter de ses instructions[105]. »  

Le Dauphin : « La tournure du jeune Dauphin, son époux, était tout à fait l’opposé de  celle de la Dauphine. Une figure insignifiante, des manières maussades, un rire bruyant, une démarche lourde et incertaine, aucune facilité à s’énoncer ; à tout cela étaient joints une instruction assez profonde tant en sciences qu’en littérature, de l’application et du goût pour la lecture, des connaissances mécaniques et tout ce qu’on peut désirer dans un jeune homme dépourvu d’agrément[106]. »  

Troisième cas. M. de Saint-Priest, temporairement en disgrâce, tente de redresser la situation et traite d’aspects techniques, écrivant à la manière de son temps : « Je vis qu’il fallait attendre et, sans renoncer entièrement à l’intention d’entrer dans la carrière  politique, je sentis bien qu’il n’en pouvait être question tant que Vergennes serait ministre. Il était alors occupé de terminer la querelle que l’empereur Joseph avait faite aux Provinces-Unies, relativement au cours de l’Escaut, dont il exigeait l’ouverture contre le texte du traité existant sur ce point ; ce prince crut que le gouvernement hollandais n’oserait pas tirer sur le pavillon impérial, ce qui arriva cependant par la connivence de Vergennes, qui s’entremit ensuite pour un accommodement entre les deux puissances[107]. »

Quatrième cas. Le Comte, vieux routier mondain, se tire d’une situation délicate avec Paul 1er de Russie et l’Impératrice : « Un jour, encore à dîner, l’Impératrice me demanda si j’avais servi. Je lui répondis que j’étais lieutenant-général des armées du Roi. “ Comment, reprit-elle en jetant un regard sur l’Empereur, comment avez-vous quitté ce beau métier pour la politique ? ” Il faut savoir que, deux jours auparavant, Paul avait tenu le même propos au ministre de Prusse. L’Impératrice, pour plaire à son mari, saisissait toutes les occasions de s’exprimer comme lui. Piqué de cette remarque, je lui répondis qu’un fameux jurisconsulte avait soutenu en latin que les armes devaient céder à la politique. “ Bon ! reprit l’Empereur, ce sera l’avocat Pathelin. – Non, Sire, mais Cicéron. ” Cette réplique partit comme un éclair ; tous les assistants furent abasourdis de ma hardiesse. Mais, par un hasard singulier, l’Empereur ne m’en sut pas mauvais gré[108]. »

Cinquième cas. Après l’affaire Bonne Savardin qui avait « dépopularisé » Saint-Priest, celui-ci dit au marquis de la Côte, ami de Lafayette : « Dites à Lafayette que je ne l’aime ni ne l’estime[109]. »

 

CONCLUSION

 

Voilà donc une partie de ce que nous a laissé ce grand-père qui a décidé de se présenter « en robe de chambre[110] » – expression d’Alexis Guignard, comte de Saint-Priest, membre de l’Académie française, élu en 1849.

 

Ci-dessous paraît le tombeau de M. de Saint-Priest, au cimetière de Lyon en février 2002.

Tombeau_de_M.de_Saint-Priest.jpg (219026 bytes)

 

 

    .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Henri Troyat, Catherine the Great. Books on Tape, Inc., 1985

[2] Comte de Saint-Priest, Mémoires, volume II : La Révolution et l’Émigration, p. 109

[3] Comte de Saint-Priest, Mémoires, publiés par le baron de Barante, Calmann-Lévy Éditeurs, Paris, 1929 – Volume I : Règnes de Louis XV et de Louis XVI (251 pages); volume II : La Révolution et l’Émigration (237 pages).

[4] Rédigé par une société de gens de lettres et de savants, Biographie universelle, ancienne et moderne, chez L. C. Michaud, Libraire-Éditeur, 1825, Paris, tome 40, p. 88

[5] Saint-Priest, I, p. 17

[6] Ibid., I, p. 20

[7] Ibid., I, p. 23

[8] Ibid., I, p. 35

[9] Ibid., I, p. 37

[10] Ibid., I, p. 38

[11] Ibid., I, p. 56-57

[12] Ibid., I, p. 80

[13] Ibid., I, p. 81

[14] Ibid., I, p. 96

[15] Ibid., I, p. 108

[16] Ibid., I, p. 114

[17] Ibid., I, p. 132

[18] Ibid., I, p. 147

[19] Ibid., I, p. 165

[20] Gilles Perrault, La Revanche Américaine, Fayard, 1996, p. 98

[21] Saint-Priest, I, p. 196

[22] Hortense Dufour, Marie-Antoinette la mal-aimée, Flammarion 2001, p. 429

[23] Ibid., p. 464

[24] Ibid., p. 472

[25] Saint-Priest, I, p. 234

[26] Ibid., I, p. 236

[27] Ibid., I, p. 238

[28] Saint-Priest, II, p. 23

[29] Ibid., II, p. 29

[30] Ibid., II, p. 30

[31] Ibid., II, p. 43

[32] Ibid., II, p. 47

[33] Ibid., II, 54

[34] Dufour, p. 181 à 679

[35] Perrault, p. 98

[36] Saint-Priest, I, p. 154

[37] Saint-Priest, II, p. 120

[38] Ibid., II, p. 120

[39] Ibid., II, p. 124

[40] Ibid., II, p. 144

[41] Ibid., II p. 145

[42] Ibid., II, p. 151

[43] Ibid., II, p. 157

[44] Ibid., II, p. 163

[45] Ibid., II, p. 170

 

[46] Ibid., II, p. 191

[47] Ibid., II, p. 194

[48] Ibid., II, p. 200

[49] Ibid., II, p. 203

[50] Ibid., II, p. 204

[51] Lucien Charbonnier, Histoire de la population de Saint-Priest, Éditions Bellier, 1995, p. 112

[52] Saint-Priest, I, p. 2

[53] Ibid., I, p. 3 et 4

[54] Ibid., I, p. 18

[55] Ibid., I, p. 37

[56] Ibid., p. 154

[57] Ibid., I, p. 157

[58] Ibid., I, p. 157

[59] Ibid., I, p. 164

[60] Ibid., I, p. 168

[61] Ibid., I, p.169

[62] Ibid., I, p. 175

[63] Ibid., I, p. 184

[64] Ibid., I, p. 190

[65] Ibid., I, p. 214

[66] Saint-Priest, II, p. 26

[67] Ibid., II, p. 29

[68] Ibid., II, p. 58

[69] Ibid., II, p. 103

[70] Ibid., II, p. 145

[71] Ibid., II, p. 160

[72] Saint-Priest, I, p. 164

[73] Saint-Priest, II, p. 200

[74] Ibid., II, p. 204, 205

[75] Ibid., II, p. 183

[76] Ibid., II, p. 205

[77] Ibid., II, p. 205

[78] Ibid., II, p. 157

[79] Saint-Priest, I, p. 103

[80] Ibid., I, p. 104

[81] Ibid., I, p. 100

[82] Ibid., I, p. 188

[83] Ibid., I, p. 190

[84] Ibid., I, p. 192

[85] Ibid., I, p. 192

[86] Ibid., I, p. 193

[87] Ibid. I, p. 194

[88] Ibid., I, p. 231

[89] Saint-Priest, II, p. 27

[90] Saint-Priest, I, p. 244

[91] Saint-Priest, II, p. 203

[92] Lucien Charbonnier, Histoire de la population de Saint-Priest, Éditions Bellier, 1995, p. 112

[93] Maurice Guignard, Architectes odinistes des cathédrales, Burg Püttlingen, Puttelange-les-Thionville (Moselle), février 1969

[94] Ibid,. p. 4

[95] Ibid., p. 22

[96] Ludovic Guignard de Butteville, Généalogie des Guignard. Grande Imprimerie de Blois, 1892, p. 9-10

[97] Ibid., p. 13

[98] Ibid., p. 16

[99] Ibid., p. 20-21

[100] Maurice Druond, Les Rois Maudits, Imavision DVD, premier épisode : « Le Roi de Fer ».

[101] Butteville, p. 40-41

[102] Ibid., p. 50

[103] Dauzat, Dictionnaire des noms et prénoms de France, Larousse, 1951

[104] Saint-Priest, I, p. 27

[105] Saint-Priest, II, p. 62

[106] Ibid., II, p. 62, 63

[107] Saint-Priest, I, p. 188

[108] Saint-Priest, II, p. 179

[109] Ibid., II, p. 57

[110] Saint-Priest, I, p. ii

 

Genealogy Sites - Sites pour la généalogie

http://www.familysearch.org
Information : Comte de Saint Priest: http://www.bnf.fr
Go to/Aller dans : gallica
Search for/Rechercher : saint priest

 

Portrait-robot d'une section d'arbre généalogique des Guignard de Saint-Priest

 

Information généalogique sur les Guignard de Saint-Priest

(A) Jean Guignard

Vers 1543

Seigneur d’Arbonne (en Gâtinais) et d’Oncy

Épouse Françoise de Meun

   Il eut au moins deux fils, dont celui-ci :

    

   (B) Jean, seigneur de S.-Martin

      Né vers 1580

      Décédé en avril 1663

      Échevin de Lyon en 1621, anobli en raison de cette charge

     Épouse en 1602 Suzanne Du Pin

Le couple eut au moins trois fils :

 

        (C) Jacques - Timoléon de Guignard

        Né à Lyon le 14 août 1604

        Décédé en 1673

        Baron de Jons, en Dauphiné

        Seigneur de Bellevue, en Lyonnais

        Épouse Françoise de Méridat le 17 juin 1641, fille de Jean de Méridat et de Jeanne Servier

        Achète la seigneurie de Saint-Priest en 1643

                 Vicomte de Saint-Priest en novembre 1646 (lettres de Louis XIV)

Le couple eut au moins six enfants, dont le fils suivant :

 

(D) Pierre - Emmanuel

                Vicomte de Saint-Priest

                Seigneur Des Granges

                + 1702

                (Frère de Ferdinand, tige des barons de Jons)

                Épouse Angélique-Jeanne de Rabot de Veyssilieu

                  Il eut au moins un fils

 

                      (E) Denys - Emmanuel Guignard

                       Vicomte de Saint-Priest

                       Épouse en 1703 Catherine de Lescot de Chasselay      

                        Président à mortier au parlement de Grenoble, 1715

                                   Le couple eut au moins un fils

 

                                    (F) Jean-Emmanuel Guignard

                                    Vicomte de Saint-Priest

                                    Né le 21 mai 1714

                                    Décédé en 1784

                                    Intendant du Languedoc      

                                    Épouse le 11 mai 1731 Louise - Jacqueline - Sophie de Barral de Montferrat

                                    Née le 28 juin 1713

                                            ? Fille de Joseph, marquis de la Bastie d’Arvillars et de Marie - Françoise de Blondel

                                             ? Le père était président à mortier au parlement de Grenoble

                                        Ce couple eut au moins sept enfants : 4 filles et 3 fils.

                                                (G) Marie - Joseph

                                                Vicomte de Saint-Priest

                                                 Épouse Marie-Julie de Manissy de Ferrières

                                                 Intendant du Languedoc, 1764

                                                Condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris

                                                Décédé le 27 juin 1794

                                                       Ce couple eut au moins quatre filles.

 

        (G) François - Emmanuel Guignard

        Comte (ou vicomte) de Saint-Priest

                                                Pair de France, 1815

                                                Né le 12 mars 1735

                                                 Décédé le 26 fév. 1821

                                                 Épouse en octobre 1774 Guillelmine (Wilhelmine) - Constance de Ludolf

                                                 Fille du comte Guglielmo (Guillaume) de Ludolf et de Catherine Chabert

                                                 Née le 7 mai 1752

                                         Ce couple eut quatre fils (un fils né en 1775 est mort enfant – inhumé en Sardaigne) et trois filles.

                                      

                                           (H) Guillaume - Emmanuel

                                          Comte de Saint-Priest

                                          Général-major

                                          Né le 6 mai 1776

                                           Décédé le 29 mars 1814

 

                                           (H) Armand - Emmanuel - Charles  (ou Armand - Charles - Emmanuel)

                                           Né en 1782

                                           Comte de Saint-Priest

                                           Pair de France, 1821                

                                            Grand-Croix de l’ordre de Sainte-Anne de Russie

                                            Grand-Croix de l’ordre de Saint-Janvier de Naples

                                            Né le 29 sept. 1782

    Déc. le 15 juin 1863

     Épouse la princesse Sophie Galitzine à Pétersbourg en août 1804 (famille russe)

      Fille du prince Galitzine et de Anne de Georgie

                                       Ce couple eut au moins trois enfants

 

               (I) Alexis

               Comte de Saint-Priest

               Pair de France, 1841

               Membre de l’Académie française, 1849

               Né le 20 avril 1805

               Décédé le 27 sept. 1851

   Épouse le 7 mai 1827 Antoinette - Marie - Henriette de la Guiche

    Fille de Louis - Henri - Casimir, marquis de la Guiche, pair de France, et de Antoinette - Marie d’Haussonville

                          Ce couple eut au moins un fils et deux filles : une épousa M. de Clermont-Tonnerre, l’autre M. d’Harcourt.

                        

                          (J) Amandine - Marie - Sophie

                         Née le 21 août 1828

                           (J) Élisabeth - Marie - Casimire

                   Née le 9 avril 1832

                    (J) Georges - Charles - Alexis

              Né le 9 déc. 1835

              Décédé en 1898

 

                                           (I) Emmanuel

   Né en 1805

   Décédé en 1828

                  

                        (I) Olga

                 Née en 1807

                 Épouse en 1827 le prince Basile Dolgorouki (famille russe)

 

                                            (H) Emmanuel - Louis - Marie

     Vicomte de Saint-Priest

      Duc d’Almazan (titre espagnol), le 30 sept. 1830

      Né le 6 déc. 1789

      Décédé au château de Lamotte, près de Chambord, le 27 oct. 1881

      Épouse le 30 juin 1817 (ou 30 oct. 1817) Auguste - Charlotte - Louise de Riquet de Caraman, née le 17 février 1798

      Fille du marquis de Caraman (Louis-Charles-Victor, pair de France,ambassadeur)

                                                                                Ce couple eut au moins deux fils et une fille.

 

                                         (I) Emmanuel - François - Marie - Joseph

               Duc d’Almazan (par démission de son père, le 27 mai 1841)

               Né le 11 août 1818 (ou le 11 avril 1818)

               Décédé le 17 mars 1894

               Épouse Louise de Saint-Albin le 27 mai 1841

                                                       Fille du baron Michel de Saint-Albin et de Marguerite le Mercher d’Haussez

                                 Ce couple eut au moins deux filles, dont :

 

       (J) Marguerite - Louise

       Née le 15 déc 1842

 

               (I) Charles - Marie - Ferdinand

               Né le 19 janvier 1831 (ou 1834)

               Décédé le 28 juin 1871

 

               (I) Marie - Amanda

               Née le 20 juin 1824

               Épouse en 1845 N… de la Salle

 

      (H) Fille aînée : marquise de Saint-Victor

       Mariage au début de 1791

       Épouse le fils du marquis de Saint-Victor

 

       (H) Deuxième fille : Anasthasie

       Marquise Dax d’Axat (famille allemande)

 

       (H) Troisième fille

       Marquise de Calvière (famille du Languedoc)

      

           (G) Charles - Antoine - Fulcrand - Emmanuel - Languedoc

           Chambellan de l’empereur Léopold d’Autriche

               Décédé en 1796

 

       (G) Jeanne - Marie - Émélie

       Épouse, en oct. 1753, Thomas - Marie de Bocaud

       Né le 22 avril 1718

 

       (G) Marie - Jeanne - Sophie

        Épouse Jules - Alexandre de Launay, comte d’Entraigues

                                                                         

        (G) Deux autres filles

 

       (C) Philippe - Marie

        Né en 1605 (ou 1606)

        Seigneur de Laleux en Forez

 

(C) Denys - François

Aumônier et conseiller de Louis XIII

                Prieur de S.-Martin de Niort

 

Remarques –

1 - Il s’agit d’une quatrième version électronique créée à partir des documents actuellement accessibles ici.

2 - Certaines contradictions ont été relevées dans le matériel imprimé ; il faut aussi ajouter la difficulté de lecture de certaines pages.

3 - Des points de repère sont ajoutés afin de faciliter la recherche des intéressés.

 

Gilles Dignard

Le 2 novembre 2002

 


Info - administration@laidley.com

 

 

Home ] Up ] Dignard ] Eginhard ]

Send mail to webmaster@laidley.com with questions or comments about this web site.
Copyright © 2002 Laidley Corporation
Last modified: February 20, 2012